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Actualités  |  Mardi 16 juin 2015

L'institution du mariage est-elle éculée?

Le jeune qui veut grimper dans son parti doit à la fois manifester sa déférence à l'égard des caciques et s'employer à les déloger. Il le fait généralement en radicalisant le discours du parti: le vieux singe avachi sur le cocotier n'osera pas reprocher au jeune singe ambitieux de faire de plus belles grimaces idéologiques que lui.

C'est ainsi que le comité directeur de la Jeunesse socialistes suisse soumettra ce samedi plusieurs idées révolutionnaires à son assemblée des délégués. En particulier, il proposera la suppression de l'institution «éculée» du mariage.

Il proposera aussi, soit dit en passant, que ce soit l'Etat – ou le patron – qui paie celui ou celle qui s'occupe du ménage. Individualiste pour le plaisir, collectiviste pour les charges!

«Les jeunes de ma génération veulent une liberté complète dans leur manière de vivre leur couple et leur sexualité» déclare son président. Qu'est-ce qu'il en sait? Il est bien présomptueux de parler au nom de toute sa génération. Et il l'est plus encore de prétendre supprimer une institution vieille comme le monde sous prétexte qu'elle ne cadre pas avec ses conceptions personnelles.

La critique des ratages de l'institution est facile. On sait que des mariages sont le théâtre de violences domestiques. Beaucoup de couples rencontrent des difficultés. Leurs enfants en souffrent. Et ces difficultés sont quelquefois si durables que la famille n'y résiste pas. Mais les couples et les familles qui vivent en dehors de l'institution connaissent les mêmes déchirements.

Car ces déchirements sont dus à la faiblesse humaine, non à l'institution. Une des fonctions de cette dernière est même précisément de les empêcher, ou au moins d'en limiter les conséquences. Structure garantie et protégée par l'Etat, animée par l'engagement des conjoints, l'institution aménage la place de la famille dans la société. Elle inspire aux époux une vision à long terme qui sous-tend la vie quotidienne, permet de supporter les variations de l'amour, relativise les oppositions d'idées ou de sensibilité, rend surmontables des obstacles qui semblent ne pas l'être.

L'institution incite chacun des conjoints à se décentrer par rapport à lui-même et à se mettre au service du bien commun familial. Son bien individuel, il le trouve non plus dans sa liberté de faire ce qu'il lui plaît, mais dans le bien des autres membres.

Et si la vie commune n'est plus possible, l'institution offre des procédures qui, dans une certaine mesure, circonscrivent les dégâts de la séparation et protègent les droits de chacun. Cette protection est souvent décevante. Elle n'empêche ni le chagrin, ni la colère, ni le remord. Mais en priver les plus faibles serait irresponsable.

Que va décider la jeunesse socialiste suisse?

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 16 juin 2015)