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Actualités  |  Mardi 21 avril 2015

Les éminentes vertus du travail

Une enquête sur un cas d'abus de l'aide sociale à Genève a montré que, pour certaines catégories de personnes, être à l'assistance est financièrement plus intéressant que de travailler. Il en va à peu près de même dans le Canton de Vaud. Les responsables des affaires sociales ne le contestent pas et cherchent des réponses. Nous suggérons qu'ils n'oublient jamais, dans leurs réponses, de rappeler les vertus éminentes du travail.

La première de ces vertus, dans l'ordre de l'urgence, c'est que mon travail me permet de manger et d'entretenir les personnes qui sont à ma charge. Corollaire: disposer d'un gagne-pain réduit ma dépendance vis-à-vis de la société, qu'il s'agisse de l'Etat ou d'associations d'entraide.

La seconde est que mon travail, si humble soit-il, est une contribution à la vie de la communauté. Occupant une place utile, parfois nécessaire, dans la chaîne de services réciproques que constitue l'économie, je rends possible le travail des autres.

On parle beaucoup de développer «l'estime de soi». Le fait qu'on m'emploie, qu'on me confie des mandats, qu'on achète mes produits traduit une confiance sociale qui est un élément majeur de cette estime. Mon revenu est la manifestation matérielle de la reconnaissance, par mes semblables, de mon importance, de ma réalité. Je sers, j'existe.

Mon estime de moi s'accroît encore si mon travail correspond à mes aspirations et me donne l'occasion de développer une capacité ou un don particuliers.

Sur le plan religieux, le travail est une mise en valeur du monde créé. C'est une collaboration valorisante avec l'Auteur de toute chose. Cette perspective spirituelle confère une dignité essentielle au moindre des emplois.

Bien entendu, un travail est plus ou moins intéressant, plus ou moins pénible, plus ou moins rémunérateur. Certaines activités sont gratifiantes au point que la retraite se profile comme une menace à l'horizon. Pour d'autres, exigeantes voire écrasantes physiquement ou nerveusement, elle est une délivrance.

Mais l'idée que le travail est principalement une peine et l'instrument par excellence de «l'exploitation de l'homme par l'homme», courante dans les partis censés représenter les employés, est contradictoire. Elle revient à dire que l'idéal, c'est d'être un travailleur et de ne pas travailler.

Les aides sociales permettent au chômeur de survivre. C'est déjà beaucoup. Il reste que celui qui ne travaille pas ne profite pas de la reconnaissance publique de son travail et qu'il se voit privé de la satisfaction morale de contribuer à l'effort commun. En ce sens, si l'on doit débusquer les profiteurs de l'aide sociale et combattre leur multiplication, on doit en même temps les plaindre d'avoir une vision aussi étriquée de leur rôle dans la société.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 21 avril 2015)