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Actualités  |  Mardi 3 mai 2016

Avez-vous vu le clip de M. Macron?

Il faut voir le clip que M. Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, a publié sur le net à l'occasion du lancement de son mouvement «En Marche!». Le message est simple: la France ne va pas bien, mais les Français ont les moyens de faire mieux et c'est avec M. Macron qu'ils le feront le plus efficacement.

Le Petit Journal de Canalplus a déconstruit le clip: parmi les «Français» qu'on nous montre, il y a des Autrichiens, des Allemands qui se promènent le long du mur de Berlin, une petite fille texane, un chef de travaux américain. Les jeunes Français qui rient en buvant du Coca sont en réalité des Munichois qui boivent une bière, retouchée pour l'occasion. Le jeune à capuche des banlieues habite New-York et la jolie ouvrière a été piquée dans un clip électoral de Bernard «Bernie» Sanders, rival d'Hillary Clinton.

Le clip est une succession de poncifs esthétiques où, dans une atmosphère à la fois décontractée et sérieuse, devisent et travaillent des jeunes gens propres, habillés à la mode, compétents, souriants, désireux de bien faire et de bien s'amuser. Grâce au filtre adoucissant, leur visage est indemne de toute tare dermatologique. Même les vieux sont jeunes et dynamiques, leur moustache est gaillarde et leur œil malin.

On éprouve un agacement un peu écœuré, tant le bonheur simulé de ces mannequins anonymes, sans poids, sans épaisseur, sans profondeur, a quelque chose d'infrahumain.

Il n'y a pas d'arguments, seulement des mots, qu'on utilise moins pour leur sens que pour leur musique. On dénonce les blocages, mais on n'en mentionne aucun. On prône les «idées neuves», mais on évite de donner ne serait-ce que l'esquisse d'une seule. Le clip est une mise en ambiance et c'est cette ambiance qui est l'unique message.

Car l'agence de communication a la maîtrise non seulement de la forme, mais aussi du fond. Il suffit de lui exposer ce qu'on veut – être président à la place du président, par exemple – et de quel budget on dispose. Elle fait le reste. En l'occurrence, elle a fabriqué le clip non à partir des besoins du peuple français, mais en spéculant sur sa sentimentalité.

Il faut éviter que la moindre aspérité ne fâche le moindre électeur. Alors on se place au-dessus des partis, on n'est «ni à droite, ni à gauche». On ne parle pas du chômage, ni de la crise agricole, ni de la désindustrialisation, ni de l'immigration, ni de l'insécurité, ni des attentats. On passe comme chat sur braise sur l'augmentation des impôts, sur l'état d'urgence qui se prolonge, sur la police épuisée, la justice engorgée, les prisons surpeuplées.

Aux yeux d'Emmanuel Macron, la France n'a pas de passé, pas d'histoire, ancienne ou récente, juste un avenir qui commence aujourd'hui… avec lui pour la mettre «en marche».

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 3 mai 2016)