Pour l'initiative du dernier ressort
L'initiative populaire fédérale affirmant la primauté du droit suisse sur le droit étranger vient d'aboutir. Les adversaires idéologiques et électoraux de l'UDC, soit le monde officiel, la droite des affaires, la gauche sans frontières et les médias qui leur sont liés ont réagi avec virulence.
Selon eux, l'initiative obligerait nos autorités à dénoncer la Convention européenne des droits de l'homme. L'UDC conteste cette interprétation: ce que son initiative prévoit, c'est qu'en cas de conflit entre une décision de la Cour européenne et la Constitution fédérale, c'est cette dernière qui l'emporte. Ça n'a vraiment rien de scandaleux.
L'initiative nous priverait, dit-on encore, d'une protection contre les erreurs de la justice suisse. Et qui nous protègera de celles de la Cour européenne? Un tribunal n'est pas plus avisé parce que sa juridiction est plus étendue, ni plus juste parce qu'il est plus éloigné des événements sur lesquels il se prononce. Ou alors, il faut se dépêcher de mettre sur pied un tribunal mondial.
En revanche, les opposants ont certainement raison d'affirmer que l'initiative empêcherait la signature de l'«accord-cadre», ce traité coiffant l'ensemble des traités bilatéraux et auquel l'Union européenne exige que la Suisse se soumette avant toute reprise des négociations. Cet accord prévoit la reprise automatique par la Suisse de l'évolution du droit européen concernant les bilatérales. En nous interdisant de signer à l'aveugle ce contrat mouvant, l'initiative nous éviterait une perte sèche de maîtrise législative. C'est un argument important en faveur de l'initiative.
Mais avant de se prononcer sur tel risque ou tel avantage particulier de l'initiative, il faut juger le texte dans sa perspective d'ensemble. Au fond, celui-ci ne dit rien de très original. Il se borne à expliciter et à détailler le principe de la souveraineté suisse, c'est-à-dire à affirmer que la Confédération suisse est un Etat au plein sens du terme. L'initiative met par écrit ce qui, jusque dans les années nonante, allait tellement de soi aux yeux de nos autorités qu'il n'était même pas nécessaire de le mentionner: la souveraineté, c'est le droit de l'Etat de décider en dernier ressort, c'est le droit du dernier mot.
Il ne s'agit pas d'isoler la Suisse, ni de mettre en cause les «normes impératives du droit international», ni de dénoncer tous les traités qui nous lient à l'Union européenne et au reste de la planète. Il s'agit simplement de recentrer l'exercice du pouvoir politique et judiciaire sur la Confédération plutôt que sur une nébuleuse mondialisante aux mains des grands Etats et groupes supranationaux. En acceptant l'initiative, le peuple et les cantons réaffirmeront leur volonté d'être maîtres chez eux.
(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 23 août 2016)