Alerte au moralisme «systémique»!
La notion de racisme systémique signifie que la civilisation occidentale s’est construite sur des stéréotypes ethniques et raciaux. Le racisme lui est donc consubstantiel. La colonisation, l’esclavage, l’écrasement des cultures locales ne sont que les manifestations extérieures les plus violentes de cette disposition latente.
Dès lors, un Blanc peut bien n’avoir jamais commis d’acte raciste ou émis de parole raciste, avoir toujours pris position en faveur des lois antiracistes, jouer un rôle éminent dans l’une ou l’autre organisation antiraciste, il n’en conserve pas moins, tout au fond de lui, une prédisposition au racisme. S’il y résiste, tant mieux, mais la tache subsiste, indélébile et menaçante.
Il en va de même avec le sexisme. L’idée est qu’il y a dans tout mâle une disposition à contraindre les femmes. Même s’il se conduit toujours d’une façon respectueuse à leur égard, il reste intimement marqué par le modèle patriarcal dominateur qu’on lui a inculqué dès sa naissance. Il est et reste donc un prédateur, certaines n’hésitent pas à dire «un violeur» en puissance. Il est donc juste de parler de «sexisme systémique».
Pensons encore à la théorie de la lutte des classes, qui fait de tout patron un spoliateur. Même s’il offre des conditions de travail idéales à ses ouvriers, qu’il paie ce qu’il leur doit et qu’eux-mêmes l’estiment, il incarne, par son seul statut patronal, sa réalité de bourgeois capitaliste exploiteur des masses. Pour tout marxiste, la lutte des classes, moteur de l’Histoire, est systémique.
On constate que ces approches systémiques déclenchent trop souvent des accusations sans proportion avec ce qu’elles peuvent avoir de fondé. Coupable ou non, l’accusé, interdit de réplique, y perd sa réputation, sa carrière et son œuvre, sa santé, parfois sa famille. Quant aux accusateurs, blanchis par la noirceur de l’accusé, ils échappent à toute critique.
«Systémique» qualifie donc un mal diffus, constant, tapi dans l’être même d’une collectivité. En ce sens, la notion de «péché originel», ce déséquilibre moral fondamental qui dispose l’humanité à préférer le mal au bien, est, elle aussi, systémique.
La supériorité, si l’on ose dire, du péché originel sur les autres théories systémiques, c’est son universalité: il gît dans le cœur de tous les hommes et de toutes les femmes de toutes les couleurs et de tous les statuts sociaux. Personne n’y échappe, ce qui fait que chacun perd, du même coup, tout droit de juger son semblable sur le fond. Le chrétien est même explicitement appelé à s’occuper de la poutre qui est dans son œil plutôt que de la paille dans l’œil de son voisin (Luc 6:41). Il évite donc – disons qu’il devrait éviter –, de participer à cette caricature écœurante de morale qui dégouline des réseaux sociaux: le moralisme.
(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 27 avril 2021)