Avions F-35: le plébiscite antimilitariste de trop?
Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) et ses alliés rose-vert usuels viennent de lancer une initiative pour contrer l’acquisition de F-35 par la Confédération.
En septembre 2020, le peuple suisse a accepté le crédit d’acquisition d’un nouvel avion de combat. Objet d’une première sélection, le catalogue des appareils en lice était parfaitement déterminé et connu. L’opinion avait déjà largement glosé les différences entre le F-35 et ses trois concurrents, moins jeunes, «de quatrième génération». En voulant voter sur le choix de l’avion, la gauche appelle le peuple à se déjuger.
Lorsque le peuple suisse fait obstacle au GSsA, les antimilitaristes comprennent «vous pouvez recommencer l’année prochaine». Que le crédit ne fut accordé qu’à 50,1% des votants donnerait plus de légitimité à leur démarche. Rien n’est pourtant plus faux. Tout régime politique a besoin, pour sa capacité à durer dans le temps, de règles et de processus de décision. L’indécision est un vice plus grave qu’une décision mauvaise. Une fois prise, une décision imprime sa marque à son auteur. En décidant, un souverain, peuple, monarque, chef d’entreprise ou général, ajoute une pierre à l’édifice de son quotidien politique.
Comme toute décision, l’achat de l’avion subira l’épreuve du temps. Celle-ci imposera peut-être de revenir en arrière en les revendant, ou d’aller plus loin. L’écoulement du temps seul donnera sa sanction. Il justifiera ou condamnera une appréciation menée à un moment précis, avec des connaissances obligatoirement limitées. Ce genre de choix en situation d’incertitude est particulièrement propre au domaine militaire: acheter des chasseurs revient à affronter une menace pour les cinquante prochaines années. On est loin de la seule réponse à un besoin comme celui de renouveler des chaises de bureau.
Le soir du vote, la décision d’acheter un avion s’est incorporée à un système institutionnel, à une vision politique, et, dans son cas particulier, dans une planification militarostratégique à très long terme. Lorsqu’une décision est prise il s’agit, dans l’immédiat, de l’assumer. Le langage commun parlera de cohérence, de non-contradiction, de stabilité, d’ordre.
Rejet des institutions
Mais le GSsA et ses alliés rejettent ces vertus. Bien qu’ils usent des moyens légaux, leur action est dans le fond révolutionnaire. Leur combat antimilitariste prolonge leur rejet des communautés historiques constituées, et de leurs institutions. Celui qui s’oppose à la défense nationale commence par affirmer qu’il n’y a rien à défendre. Seule tient son obstination à poursuivre son idéologie.
Par sa grande proximité avec le vote qu’elle veut renverser, cette nouvelle initiative révèle le maigre crédit que le GSsA accorde aux principes les plus fondamentaux de la politique. Ce plébiscite doit être celui de trop.
(Félicien Monnier, 24 heures, 14 septembre 2021)