Contre la réhabilitation du major Davel
La réhabilitation du major Davel est une vieille affaire. En 1998, les Zofingiens vaudois avaient déjà entrepris d’obtenir au Tribunal cantonal la révision de son procès de 1723. La procédure pénale de l’époque fit obstacle à cette blague potache. Mais voici qu’un groupe de députés emmené par Raphaël Mahaim demande au Grand Conseil de rendre un acte solennel de réhabilitation du major. Cette démarche s’inscrirait dans les festivités du 300e anniversaire de sa décapitation, prévues pour 2023.
Il s’agit là d’une très fausse bonne idée. Trente juges lausannois ont condamné Davel pour crime de lèse-majesté à l’égard de Leurs Excellences de Berne, dont les Vaudois étaient les sujets. Il n’y a malheureusement rien à redire d’un point de vue juridique et même moral. Selon les lois et conceptions de l’époque, Davel, officier félon et illuminé, devait être exécuté. Cela n’ôte rien à l’étrange grandeur de son acte.
Dans ce journal, M. Mahaim a dépeint Davel faisant de la désobéissance civile, en somme comme Extinction Rebellion ou les occupants du Mormont. Cela justifierait sa réhabilitation. C’est un peu court: Davel était un officier héroïque et un chrétien très pieux, conspuant la décadence des mœurs de l’époque. Conservateur, voire réactionnaire, il exigeait le respect par Berne des franchises historiques des villes vaudoises. Davel n’était déjà pas un homme des Lumières, on peinera dès lors à en faire un disciple de Gandhi.
Difficile de ne pas voir derrière cette récente motion parlementaire une instrumentalisation de Davel au service des militants du climat qui engorgent aujourd’hui nos tribunaux. Ces grévistes seraient d’ailleurs bien inspirés d’accepter leur condamnation avec le même courage que Davel montant à l’échafaud. Imaginerait-on le major annoncer faire recours à la CEDH? La relecture de l’histoire que fait M. Mahaim est non seulement fausse, elle est aussi opportuniste.
Réviser l’histoire
Cette motion soulève la question du bien-fondé des «réhabilitations». Le wokisme a accentué la tendance de notre époque à réviser l’histoire à la lumière des passions du moment. La justice sociale imposerait, par féminisme, de réhabiliter les sorcières du XIVe siècle, de gracier les brigadistes internationaux de 1936 pour leur antifascisme, et les objecteurs de consciences des années 70 par antimilitarisme.
Une telle vision reproche aux autorités de l’époque de ne pas avoir appliqué les conceptions d’aujourd’hui. Ce qui revient également à rendre, dans le futur, les décisions de nos autorités actuelles révisables à loisir, au gré des vents idéologiques. Cela est parfaitement absurde, mais là réside la force de l’idéologie: torturer la réalité jusqu’à ce qu’elle se conforme aux standards du jour. Ne faisons pas de Davel le précédent vaudois de ces tendances révisionnistes, et encore moins leur cheval de Troie.
(Félicien Monnier, 24 heures, 7 décembre 2021)