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Actualités  |  Mardi 12 septembre 2023

Impressions d’un départ en vacances

Ce matin est encore frais quand vous sortez dans la rue. L’air est d’une frappante clarté et le ciel sans nuage. Vous partez en vacances.

La vue du bâtiment de la Mercerie, alors que le sommeil bourdonne encore dans votre tête, est toujours émouvante. Vous entrevoyez la lucarne de la salle de musique du Gymnase de la Cité. Bien du temps a passé, mais vous savez tout ce que cette période peut avoir de décisif. Y compris pour ce voyage qui commence à destination de cette Grande-Bretagne dont un camarade, resté un ami, a toujours la nationalité.

Vous regrettez la fermeture du bar au début du pont Bessières. Le café y est meilleur qu’à la gare. Le pont vous ramène à d’autres départs. Chaque début d’été, vous le traversez, sac au dos, à 5 h 30 du matin. C’est le début de la longue montée au camp d’été de la Ligue vaudoise, pour deux semaines hors du monde et du temps. Mais cette fois, vos pieds ne portent pas de chaussures de randonnée. Le col de Bretaye ne mène pas en Écosse.

Des fêtards rentrent chez eux. Un frisson de dégoût vous parcourt au souvenir de vos semelles collantes de sucre et d’alcool, mais l’évocation de ces soirées vous arrache un sourire amusé. Ce dimanche, le métro réunit autant de noctambules que d’enthousiastes retraités randonneurs. Ils portent des chemises à manches courtes et petits carreaux rosâtres. Ils doivent aimer le Rivella.

Devant la gare, le McDonald’s vous semble servir de vaste salle d’attente. Vous vous demandez où ces personnes habitent.

Le TGV s’ébranle et l’horizon s’ouvre devant vous. Entre deux immeubles, un coin de Léman vous prie de transmettre ses hommages à la Tamise. Entre Arnex et Croy, le Pays de Vaud se drape de ses plus beaux atours, comme pour vous implorer de ne pas l’oublier. Il s’offre à la fois dans ses frontières et ses largeurs. Au loin, les Alpes sont de la dentelle. Vous regrettez que le Mont-Blanc ne soit pas vaudois.

La campagne française est éternelle. Avec son clocher, chaque village donne l’impression de vouloir, à sa modeste échelle, imiter la flèche de la cathédrale de Chartres décrite par Péguy. Une haie d’éoliennes vous fend le cœur en vous rappelant qu’elles coiffent désormais le Mollendruz.

Vos précédents voyages en TGV vous reviennent. Celui avec votre père pour Anvers il y a vingt ans, pour y embarquer une semaine sur un grand quatre-mâts; l’équipée parisienne d’un groupe de Zofingiens; un voyage d’études à Verdun avec deux amis historiens. Ils sont autant de promesses d’expéditions nouvelles. Vous en déduisez la nécessité, pour le canton, de conserver cette liaison qui l’amarre à la France et au-delà.

La voix du contrôleur vous fait sortir de votre rêverie. La gare de Lyon préfigure celle de Saint-Pancras. Lausanne, Paris, Londres: sept heures de train vous auront offert trois capitales.

(Félicien Monnier, 24 heures, 12 septembre 2023)