Festival de la Cité: liberté d’expression ou prise d’otage?
Début juillet, le journal «Le Peuple» révélait la scandaleuse indécence d’un spectacle donné à la cathédrale lors du Festival de la Cité. Sur un écran dressé dans le chœur, là où le gouvernement prête serment et où prêchent nos pasteurs, de grosses lettres affichaient à l’adresse du public «Ejaculate».
Martine Chalverat, directrice du festival, osa répondre dans ces colonnes que «les messages de tolérance, d’ouverture et d’inclusivité» portés par l’artiste «étaient proches de ceux que véhiculent les Églises». Beaucoup furent estomaqués de cet aplomb, pourtant assez propre aux rebelles subventionnés. En particulier lorsque fut révélé le lendemain que le message de tolérance, également affiché dans le chœur, disait en réalité: «Les bourgeois, les flics, les capitalistes, vos gueules.»
Cette affaire révéla que le festival bénéficiait depuis des décennies d’un blanc-seing de la Commission d’utilisation de la cathédrale, qui reconnut ne pas contrôler la programmation du festival destinée à l’édifice. On avait eu tort de faire confiance.
Le Festival de la Cité n’en était d’ailleurs pas à son coup d’essai. L’année précédente, devant la cathédrale, un groupe fribourgeois avait fait scander à des centaines de spectateurs le slogan «tout le monde déteste la police». Les dénonciations du spectacle «Ejaculate» furent d’intensité diverses, mais larges: les politiques réagirent, de la conseillère d’État Christelle Luisier et du PLR à M. Romain Pilloud, qui admit que la cathédrale n’était pas «le lieu optimal» pour la délivrance du message porté par le spectacle. Pour le président du PS, cela revenait au moins à reconnaître les particularités du lieu.
Le journal «Le Peuple» lança une pétition en ligne qui réunit près de 11’000 signatures pour dénoncer le spectacle. Le Conseil synodal, pouvoir exécutif de l’Église évangélique réformée du Canton de Vaud, communiqua principalement sur la nécessité de revoir les processus sur l’utilisation de la cathédrale. Il aurait pu profiter de condamner fermement ce qui n’était qu’une provocation vulgaire et profanatoire du lieu le plus emblématique de la foi chrétienne en Pays de Vaud.
Dans la vie communautaire du Canton, le Festival de la Cité tient une place importante. Il est difficile de ne pas y croiser, presque à chaque coin de rue, quelqu’un que l’on connaît. Il est un peu le giron des jeunes urbains lausannois. Conservons-lui ce rôle social.
Simultanément, le festival se veut à l’avant-garde du combat sociétal et des luttes wokes, nouveau champ idéologique de l’extrême gauche. Que ses organisateurs profitent de sa popularité pour instiller un message politique extrêmement clivant relève plus de la prise d’otage que de la liberté d’expression. «Ejaculate» était un acte de guerre culturelle. D’ici à l’été prochain, c’est sur ce plan qu’une réaction doit avoir lieu, pas sur celui des «processus» et du «dialogue».
(Félicien Monnier, 24 heures, 29 août 2023)