Espoirs pour un été
Demain marquera le premier jour de l’été. L’agitation et l’inquiétude politiques qui ont marqué les six derniers mois reprendront à la rentrée.
Le renchérissement du coût de la vie et la hausse des primes demeureront une lourde préoccupation. La galopante démographie vaudoise continuera de faire planer ses dangers culturels sur une population forcée à la banlieusardisation. Aucun plan de paix ne devrait sortir, à brève échéance, du chapeau des généraux et diplomates embourbés en Ukraine. Les crises migratoires et environnementales, bien réelles, continueront d’engloutir des fortunes en braquant les fronts idéologiques. Les élections fédérales justifieront toutes les surenchères et attaques personnelles.
En situation d’incertitude, il faut revenir aux fondamentaux et renforcer les liens interpersonnels. Cela passera par un plongeon dans notre identité vaudoise. Chez nous, l’été est particulièrement propice à en recoller les morceaux disséminés par l’excitation contemporaine.
D’abord parce qu’il est rythmé de grandes rencontres populaires. Les quatre girons de jeunesse de la Broye, du Centre, du Nord et du pied du Jura révèlent chaque été la vivacité de notre campagne. Ils sont l’aboutissement d’efforts colossaux fournis durant plus d’une année. On peine à estimer la densité des liens personnels qui se dissimulent derrière la construction bénévole d’une imposante «tonnelle», ou l’organisation de la logistique d’un tel événement. Une fête de jeunesse, ce sont des milliers de personnes qui s’engagent pour qu’un village - cette année Pomy, Hermenches, Cugy et Apples - devienne pour quatre jours la capitale du Pays de Vaud.
Une centaine de fêtes d’abbayes auront également lieu. Elles marquent l’affection des Vaudois pour le tir et les longs banquets. Sur ces rencontres historiquement militaires planera tout particulièrement, tricentenaire de la décapitation oblige, l’esprit du major Davel. Pourquoi, au bord de la piscine ou dans l’avion, ne pas relire les pages que lui consacre Juste Olivier?
Le paysage vaudois, de même que ses monuments, est indissociable de nos identités vaudoise et européenne. Car ce paysage onduleux, strié de lisières et de collines, parsemé de clochers, de vieilles fermes, de châteaux et de tours de garde est typique de l’Europe de l’Ouest, loin des steppes plates et des profondes forêts.
Quatre jours suffisent à descendre la Venoge de L’Isle à Préverenges. Sous les murailles des sires de La Sarraz, vous entendrez les échos du Pays de jadis. Au bord de la ligne de chemin de fer, vous expérimenterez concrètement le mitage de notre campagne. Partir à la rencontre du canton, c’est aussi affronter les blessures que nos errements lui ont causées. Le long du chemin, vous verrez cette eau s’écouler lentement, pour finir par se fondre dans notre mer intérieure à nous, ce Léman dont les rivages baignés de soleil valent tous les rivages du monde.
(Félicien Monnier, 24 heures, 20 juin 2023)