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Actualités  |  Mardi 6 juin 2023

Le roi, la communauté et l’unité

Il y a un mois eut lieu le couronnement de Charles III d’Angleterre. Un rituel venu du fond des âges a fasciné des millions de personnes au Royaume-Uni et au-delà des mers. Une nouvelle fois, la voix de l’archevêque de Canterbury a résonné sous les voûtes de Westminster.

Le premier ministre Rishi Sunak lut l’épître de Paul aux Colossiens. Le nouveau Prince de Galles agenouillé devant son père a incarné l’avenir. L’onction du roi, moment sacré entre tous, intervint à l’abri des regards, derrière un dais porté par quatre tuniques rouges.

Assister en 2023 à une telle cérémonie défie l’entendement. Dans notre triste postmodernité, tout joue contre la monarchie britannique, cette institution familiale, héréditaire, chrétienne, militarisée et fondamentalement inégalitaire. Apporter une explication purement rationnelle à cette survivance est difficile. Et l’engouement suscité par le couronnement de Charles dépasse la seule fascination romantique pour cette sorte de féerie médiévale.

Les rites et traditions vécus le 6 mai dernier ont, dans leur pays, une légitimité historique et symbolique qui rend leur contestation plus difficile que de refuser de prêter le serment des députés au Grand Conseil vaudois au motif qu’il se réfère à Dieu.

Le maintien de l’unité du royaume est la première des responsabilités du roi d’Angleterre. Il s’agit de la responsabilité politique la plus élevée que l’on puisse porter, et elle mérite bien quelques privilèges. Car sans unité, une communauté n’existe tout simplement pas. Toute discussion, de la politique de défense aux trente kilomètres/heure de nuit, n’a aucun sens. L’unité de la nation est la condition préalable à l’exercice de la liberté.

Admettons que l’unité ne caractérise pas l’air du temps, à commencer par chez nous. La galopante démographie vaudoise, essentiellement liée à l’immigration, pose déjà au Canton des problèmes de place. Le peu substantiel «vivre-ensemble» n’enthousiasme pas grand monde, tant il est plus le fait d’une tolérance réciproque indifférente que d’une incorporation réelle de tous dans la communauté, ses mœurs et son histoire.

Les clivages idéologiques s’approfondissent et représentent des fractures plus vives et passionnées que les différences économiques ou régionales. La récente affaire Bezençon marque l’affrontement de deux mondes devenus, notamment par le moulinet woke de l’Université de Lausanne, irrémédiablement imperméables. Ajoutons que l’approche des fédérales aiguise les appétits et les couteaux.

L’histoire a voulu que le Pays de Vaud n’ait plus de monarque depuis des siècles. À certains moments de leur histoire récente, les Vaudois se donnèrent une figure incarnant un pouvoir à la fois personnel et amical: Ruchonnet, Guisan, Delamuraz. Ce ne fut que momentané. Face à ce vide, ne pouvant la déléguer à personne, la responsabilité des Vaudois pour leur propre unité n’en est que plus lourde.

(Félicien Monnier, 24 heures, 6 juin 2023)