Votations du 18 juin: urgence partout, politique nulle part
L’urgence sera la grande affaire des votations du 18 juin. Les quatre objets soumis aux Vaudois s’y réfèrent chacun à sa manière. Cela doit nous interpeller.
L’urgence englobe évidemment les deux votations concernant le climat, en particulier le scrutin vaudois. Le texte soumis au vote prévoit que dans ses activités, l’État de Vaud devra tenir compte de l’urgence environnementale. Cela institutionnalise une urgence permanente. Cette priorisation symbolique et temporelle des questions environnementales cherche à instiller un rythme aux politiques publiques menées par l’État de Vaud.
Or en politique, le seul rythme qui compte n’est-il pas celui des communautés humaines, et de leur capacité à assimiler le changement? Les réformes écologiques les plus justifiées ne seront d’aucun secours si elles sabordent les cadres de vie moraux et politiques de la communauté qu’elles prétendent pourtant protéger.
Dans un autre registre, la réforme de l’imposition des grands groupes d’entreprise (OCDE) invente l’urgence fiscale. Au motif que la Suisse aurait l’obligation de percevoir ce nouvel impôt dès le 1er janvier 2024, le Conseil fédéral demande que le peuple et les cantons lui accordent le pouvoir de contourner le parlement, et de légiférer par ordonnance en attendant que les Chambres (qui disposent de six ans) votent une loi d’application.
Or une ordonnance du Conseil fédéral échappe au référendum. Cela signifie que durant les prochaines années, la manière d’appliquer cette réforme très centralisatrice ne pourra faire l’objet d’aucun vote populaire. Sans compter qu’en matière fiscale, les pratiques de l’administration acquièrent très vite une grande importance. Les ordonnances du Conseil fédéral mettront donc le parlement et le peuple devant le fait accompli. La pression internationale ne saurait justifier que nous renoncions à notre rythme politique habituel.
La loi Covid enfin, sur laquelle nous voterons pour la 3e fois, en est à sa 5e mouture. Depuis l’automne 2020, l’essentiel de la gestion politique du Covid au niveau fédéral passe par cette loi. À chaque fois, les modifications sont «déclarées urgentes» et entrent immédiatement en vigueur.
Berne semble prise dans un engrenage et ne parvient pas, ou craint, de recourir à un autre outil qu’une loi urgente pour gérer le Covid. Même si les mesures proposées ne sont d’une urgence que très hypothétique.
Le projet impose par exemple aux Cantons de financer leurs capacités hospitalières de réserve en cas de pic. Il s’agit d’une lourde et centralisatrice mesure de planification hospitalière. Nous ne comprenons pas l’urgence qu’il y a à la mettre en place.
On le voit, l’argument de l’urgence peut prendre des expressions très différentes. Il est inquiétant que nos politiciens y recourent de plus en plus pour justifier leurs réformes.
(Félicien Monnier, 24 heures, 23 mai 2023)