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Actualités  |  Mardi 27 août 2024

A propos du droit de vote des étrangers

Nous voterons, à une date encore inconnue, sur une initiative populaire demandant l’octroi du droit de vote au niveau cantonal aux étrangers résidant en Suisse depuis dix ans, dont trois dans le canton. Elle remet en cause la légitimité politique que procure la nationalité, et donc la légitimité et la raison d’être de la naturalisation elle-même. L’accepter bouleverserait fondamentalement la notion même d’appartenance à la communauté vaudoise, et de participation à son destin.

La vision des initiants est formelle et égalitaire. Elle considère que vivre en Pays de Vaud depuis une certaine durée suffit à bénéficier du droit de vote et d’éligibilité. Que signifie «vivre» dans un tel contexte? Pas grand-chose, tant l’initiative refuse de d’abord exiger l’intégration de la personne dans la communauté historique et morale qui l’accueille. Et on n’ose même pas parler d’assimilation.

Ce formalisme rejette le jugement et déresponsabilise le décideur. Pour les initiants, un jugement ne peut être que discriminatoire et un décideur arbitraire. Leur citoyenneté ne découle pas d’une réalité politique vécue, faite de liens, d’ancrages et d’engagements personnels. Elle ne découle plus que de coches griffonnées dans un calendrier.

L’initiative occulte la question identitaire, voire la tourne en dérision: «Un Valaisan peut voter. Pourquoi pas un Texan ou un Nigérian?» Elle est aussi sentimentale, geignarde même: il serait «injuste» de refuser le droit de vote à quelqu’un supposé «contribuer» à la vie du canton. Elle est sans doute aussi un peu opportuniste.

Dans cette conception, le Pays de Vaud est réduit au statut de simple territoire, sans histoire, sans épaisseur et sans culture. Alors qu’il préexiste à la Confédération, dont il est un maillon souverain et originaire. Dans le meilleur des cas, l’initiative abaisse le citoyen au statut de consommateur, de travailleur, ou de contribuable. Dans le pire, elle refuse toute définition de la citoyenneté.

Un processus d’assimilation est long et exigeant. Avoir travaillé dix ans dans une multinationale de La Côte sans jamais apprendre le français ne suffit pas pour le mener à chef. Son aboutissement découle d’un effort personnel et commence, à tout le moins pour les adultes, par un acte de volonté. Outre la maîtrise de la langue, il implique d’incorporer les mœurs vaudoises à son ordinaire.

Subordonner le vote à la nationalité n’a rien de méprisant. Le canton et sa riche vie quotidienne tendent les bras à l’étranger soucieux d’intégration et d’engagement. Notre riche tissu associatif souffre d’un manque cruel de bonnes volontés. Syndicats et associations patronales permettent d’influencer concrètement la vie des Vaudois. Ils nous rappellent que la politique ne se joue pas qu’au niveau de l’État. La Ligue vaudoise s’engagera dans la campagne, elle espère ne pas être seule.

(Félicien Monnier, 24 heures, 27 août 2024)