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Paul Budry, l’homme-orchestre

Alexandre Bonnard
La Nation n° 1852 19 décembre 2008
En l’an 2000, les Cahiers de la Renaissance vaudoise ont publié (nos 134 à 136) les «OEuvres» de Paul Budry, trois volumes totalisant plus de cinq cents pages, fruit d’un énorme travail de recherche et de collation assumé par son éditeur responsable Yves Gerhard. non pas «OEuvres complètes», car il serait quasiment impossible (et d’ailleurs peu souhaitable) de mener à chef une telle aventure, qui supposerait la publication de tous ses articles parus dans maints journaux et revues, voire de textes manuscrits. Cette publication constitue cependant un florilège extrêmement riche, sans précédent, qui a permis de sauver de l’oubli tout un pan de son activité créatrice.

Paul Budry nous est ainsi apparu comme une personnalité hors du commun, un initiateur, un passeur, nouant des amitiés, l’oeil toujours aux aguets, critique d’art au jugement d’une rare pénétration, écrivain et chroniqueur au style plein de charme, maniant avec bonheur et sans hargne tant l’humour que l’ironie.

Ayant dès lors acquis une connaissance approfondie de l’écrivain et ayant eu accès aux archives familiales, Yves Gerhard a estimé à juste titre qu’il était opportun de publier, dans le prolongement de la trilogie de 2000, un portrait de Paul Budry sous ses multiples aspects. Pour l’occasion, l’éditeur s’est mué en auteur. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une biographie, bien que celle-ci, comme il se doit, constitue le fil conducteur de tout le cahier (si l’on doit qualifier de cahier un ouvrage de plus de 200 pages).

Yves Gerhard explique son titre et la méthode choisie par le fait que Paul Budry paraît comparable à l’homme-orchestre: il tire les ficelles; il porte en lui de multiples projets qu’il ne poursuit que peu de temps; l’angoisse et le sérieux qui sont le fond de son coeur, il les transforme en plaisir, en émerveillement, en bons mots, pour la joie de ses convives et de ses lecteurs. Tout semble sortir sans peine de ses talents multiples.

Les deux premiers chapitres tracent d’une part l’itinéraire de l’écrivain (ses oeuvresmarquantes comme Pinget dans la cage aux lions, Le Hardi chez les Vaudois, ses amitiés ferventes avec les peintres Charles Clément et R.-th. Bosshard, ses portraits d’amis tels Ansermet, ou Ramuz dans Trois hommes dans une Talbot, sa production journalistique polymorphe), d’autre part ses attaches familiales (ses origines, son milieu).

Après un bref chapitre consacré à la vénération de Budry pour la Grèce antique, le suivant nous incite à redécouvrir la revue «Pays de Vaud», publiée de 1941 à 1945 et destinée surtout à mieux faire connaître notre canton aux Confédérés (seize numéros de 64 pages chacun et un dix-septième de 128 pages). Les sommaires des différents fascicules révèlent une riche palette de collaborateurs traitant des sujets les plus variés. L’initiative et la direction de cette publication, tirée à des milliers d’exemplaires et distribuée gratuitement, revenait à Jean Peitrequin et à Paul Budry, sous les auspices de l’Office vaudois du tourisme, qui, en plus des recettes publicitaires, en assurait le financement. Rappelons qu’en 1934 Budry avait été nommé directeur pour la Suisse romande de l’Office suisse du tourisme et à ce titre rédacteur de la partie francophone de la revue quadrilingue que l’on trouvait dans tous les wagons de chemins de fer.

Les deux chapitres suivants traitent d’une part de l’intense activité de Budry, jusqu’en 1946, au service de l’Office du tourisme et de ses initiatives débordant d’imagination, puis de sa longue et solide amitié (remontant à 1923 à Paris) avec Jean Dubuffet. Ce dernier, qui était également lié avec Auberjonois et Cingria, avait fait partie d’un petit groupe de Français (comprenant notamment Paulhan et Le Corbusier) invité en juillet 1945 pour trois semaines en Suisse par l’Office du tourisme sur l’initiative de Budry. C’est à cette période que Dubuffet a commencé à se passionner pour l’art brut et à constituer sa célèbre collection. Les rapports amicaux qu’il avait noués avec le Vaudois l’ont incité à revenir dans notre pays pour y découvrir les oeuvres d’artistes comme Wölfli, Soutter, Aloïse et avoir maints contacts avec des psychiatres qui avaient conservé des oeuvres de leurs patients. En 1971, Dubuffet décidait d’offrir sa collection à la Ville de Lausanne. Interviewé en 1971 sur ce choix par Frank Jotterand dans la Gazette littéraire, Dubuffet, se référant à son voyage de 1945 et à l’accueil de Budry, répondait: «Par amitié. J’étais lié de chaude amitié avec Paul Budry, Charles-Albert Cingria, Auberjonois.» C’est ainsi que vingt-sept ans après la mort de Budry, la Collection de l’Art brut (actuellement plus de 30’000 oeuvres) s’est ouverte au public au château de Beaulieu, le 26 février 1976.

Le sixième chapitre évoque Budry, homme de radio. Il s’y est intéressé dès 1932, comme membre d’une «commission du (sic) radio de la Société suisse des écrivains» puis, dès 1937, membre de la commission des programmes de Radio Lausanne. En 1940, en pleine déprime avec la menace d’une invasion allemande, il lance la célèbre émission «Les propos du caviste», jumelée dès 1941 avec le non moins célèbre «Quart d’heure vaudois» en collaboration avec Samuel Chevallier, durant deux ans, Chevallier ayant poursuivi seul jusqu’en 1969.

Le septième chapitre, intitulé «Budry après Budry» recense les différentes publications parues à son sujet ainsi que des éditions et rééditions de certaines de ses oeuvres après sa mort, et relate l’activité de la fondation portant son nom, créée en 1953, jusqu’à sa dissolution en 2007.

Enfin dans un dernier chapitre, Yves Gerhard a eu l’excellente idée de regrouper des hommages et témoignages publiés après le décès de Budry, en 1949, (Marcel Bezençon, le pasteur Paul Alfred Robert, Henri de Ziégler interviewé à la radio) à l’occasion des dix ans de sa mort, en 1959 (Henri Perrochon) puis des cent ans de sa naissance (Bertil Galland, Arnaud deMaigret, Doris Jakubec), ainsi que divers témoignages de Le Corbusier, Edmond Gilliard, Pierre Cevey, Henri Gagnebin. Yves Gerhard rappelle qu’il a déjà publié ces textes, à différents endroits dans les trois tomes de 2000.

Remercions-le d’avoir si fortement contribué, par cet ouvrage complétant l’imposante publication de l’an 2000, à faire revivre l’image et à maintenir la mémoire de Paul Budry, qui fait honneur à notre canton.

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Au sommaire de cette même édition de La Nation:
  • Une force sans substance – Editorial, Olivier Delacrétaz
  • 300 ans d’enseignement du droit à Lausanne – Antoine Rochat
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  • Mort d’une profession libérale – Ernest Jomini
  • La protection de l'épargne – Pierre Rochat
  • La Belgique unie – Jacques Perrin
  • L’intérêt supérieur – Revue de presse, Philippe Ramelet
  • Pourquoi ils ont dit: Non – Revue de presse, Ernest Jomini
  • Démocratie ou partitocratie – Revue de presse, Ernest Jomini
  • Réhabilitation des brigadistes suisses – raisons d’un scandale – Nicolas de Araujo
  • Le père, le fils et le journaliste – Le Coin du Ronchon