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Une remise en ordre urgente

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1873 9 octobre 2009
La campagne sur la police unique a mis en lumière la navrante dégradation du statut du policier par rapport à l’Etat, à ses collègues et à la population. C’est un problème que nos autorités doivent affronter immédiatement et résoudre avant de mettre en oeuvre la police coordonnée. Pour changer une organisation, il faut commencer par y rétablir un minimum d’ordre et remettre certains comportements et principes à l’honneur.

Le policier n’est pas un homme comme les autres. Il vous dit de vous arrêter, vous vous arrêtez. Il demande vos papiers, vous les tendez. Il vous fouille, vous laissez faire. Il vous expulse de l’estaminet où vous semez le trouble, il vous fait souffler dans un ballon ou tendre les mains pour les menottes, vous obtempérez. Il peut appréhender le fils d’un chef d’Etat libyen ou un cinéaste mondialement connu. D’ailleurs, la simple vue d’un policier, même le ventre en avant et les pouces derrière le ceinturon, engendre un irrépressible sentiment de culpabilité chez la plupart des honnêtes gens.

Ce pouvoir est au fond extravagant. Mais le citoyen ordinaire l’accepte. Il l’accepte parce que le policier en uniforme représente l’Etat concrètement. Ici et maintenant, il est l’Etat. Par sa carrure, son uniforme et ses armes, il rend l’Etat visible, audible et, en dernier recours, tangible. C’est cette fonction de représentation, avant sa personnalité ou ses compétences, qui fonde son autorité. La police, individuellement ou en groupe, n’est en principe que le prolongement rigoureux et rigoureusement obéissant de la volonté étatique.

Encore faut-il que l’Etat ait cette volonté et l’exprime sans équivoque.

Tout désaccord entre l’Etat et la police lèse l’efficacité des uns et des autres. Il ébranle l’unité des troupes, engendre des conflits de personnes et l’apparition de hiérarchies parallèles, guerre des chefs, guerre des polices. Il met en question la légitimité du policier dans l’esprit du citoyen, et a fortiori dans celui du chenapan ordinaire, qui, comme on l’a vu ces derniers temps, ne se gêne plus pour casser du flic.

Dans cette perspective, une manifestation publique de protestation de la police est en soi inopportune. Quant à la grève, c’est un désastre. L’initiative d’Artagnan, moins scandaleuse qu’une grève, contestait néanmoins le Conseil d’Etat au sujet d’une affaire interne. Elle révélait aussi à la population l’existence de désaccords profonds entre les polices. Ce faisant, elle les aggravait. Des invectives inacceptables ont été échangées entre les corps. On a fini par militer en uniforme!

L’excitation de la campagne étant retombée, on se trouve devant une situation des plus délicate. Disons-le tout de suite, les premiers responsables sont les politiques, en particulier les chefs qui se sont succédé au Département de la sécurité et de l’environnement. Ils ont péché à la fois par faiblesse et par dureté.

D’une part, ils ont permis que le désordre s’installe. Ils ont toléré la grève de la police. Ils ont laissé pourrir l’opposition entre MM. Lehmann et Bergonzoli sans les remettre à l’ordre assez tôt. Ils ont autorisé, au moins par défaut, le lancement de l’initiative.

D’autre part, comptant sur l’obéissance traditionnelle des corps de police, ils se sont insuffisamment préoccupés de leur sort matériel et surtout moral. Ils n’ont pas su reconnaître la situation dramatique de surcharge professionnelle, ni la dégradation de l’environnement social dans lequel ils travaillaient, laissant s’amplifier une rancoeur justifiée. Enfin, obsédés par les questions électorales, et sous prétexte de ne pas «donner des armes à l’UDC», ils se sont acharnés à démontrer que tout se passe bien sous leur administration, ils ont nié les problèmes posés par la croissance de la délinquance et de la violence dans les rues. Cette démagogie freine et parfois empêche l’augmentation nécessaire des moyens en hommes et en matériel.

De surcroît, le métier de policier est peu compatible avec la mentalité moderne, volontiers irréaliste et hostile à l’exercice de l’autorité. En protégeant l’ordre, l’agent ne doit pas s’attendre à beaucoup de reconnaissance. Trop heureux quand ceux qu’il protège ne dénoncent pas une bavure policière parce qu’il a tordu le bras du voyou qui les terrorisait quelques minutes auparavant. De cela aussi, il faudrait mieux tenir compte.

Le policier n’est pas un fonctionnaire, ni même un citoyen comme les autres. La fidélité vis-à-vis de l’Etat, la discipline hiérarchique et la réserve dans le débat public font partie intégrante de l’exercice de son métier. Il ne jouit donc pas tout à fait des mêmes droits que le citoyen ordinaire. Il appartient à l’autorité de le lui rappeler.

En compensation, il est normal qu’il bénéficie de certains avantages quant au temps de travail, au salaire et à la retraite. Surtout, il est indispensable qu’il puisse compter sur des chefs directs et des politiques qui prennent leurs responsabilités et le soutiennent quand on l’attaque dans les rues ou dans les médias. En ce sens, on se demande si une rocade des départements ne faciliterait pas l’indispensable remise en ordre.

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