Consensus et cercle vicieux
Pour l’heure, il rognasse beaucoup tout en rognant peu. Il passe sa mauvaise humeur en annonçant des coupes sur les investissements, ce qui est à côté du sujet. Il propose des ponctions supplémentaires à raison de 7,5 millions, avec quelque bassesse vu le résultat du vote populaire. Il propose aussi 13 millions de réduction de charges par petites économies glanées ici ou là. C’est toujours ça de pris, bien sûr. Mais encore?
Présentant ce premier et modeste paquet de mesures, le gouvernement a dit qu’il voulait ainsi «tirer le premier» (sur qui? Quel vocabulaire belliqueux! Il y avait déjà les impôts «ciblés»…) et attendait désormais de ses «partenaires» (doivent-ils être flattés de cette promotion?) des propositions «politiquement réalisables» ou propres à rencontrer un «consensus». Cette condition posée d’emblée appelle quelques remarques.
La première est que le Conseil d’Etat lui-même n’a pas obtenu le large assentiment escompté sur l’augmentation des impôts, donc sur son programme d’assainissement fondé sur la proportion de deux tiers d’économies et d’un tiers de recettes supplémentaires censé justement exprimer le consensus tant espéré. Pourquoi exigerait- il d’autrui ce qu’il n’obtient pas lui-même?
La seconde remarque est que des coupes budgétaires importantes impliquent une diminution de l’action ou de l’intervention étatique. Or on trouve rarement l’accord de ceux qui en sont les acteurs ou les bénéficiaires; on trouve encore plus difficilement l’assentiment des partis, syndicats et mouvements qui font profession de foi étatiste. Dès lors, quel consensus? En matière de prestations sociales, faut-il trouver l’accord des socialistes incrustés dans l’administration des régimes distributeurs? En matière de politique du personnel, doiton obtenir l’aval du syndicat SUD? M. Aristide Pedraza sera-t-il l’arbitre de la politique vaudoise?
Les économies ne seront pas indolores. On doit certes prendre garde, dans la mesure du possible, à ne pas brutaliser les personnes et les institutions vivant des deniers publics, à ne pas tailler dans certaines prestations avec cette «arrogance néo-libérale» tant critiquée – plutôt mythique, d’ailleurs, car on ne se souvient guère de l’avoir vue s’appliquer chez nous. Mais ces précautions normales ne signifient pas qu’on doive laisser se perpétuer la tendance étatiste qui est depuis longtemps celle de l’officialité dominante, comme le prouvent des chiffres éloquents.
L’assainissement des finances ne passe donc pas par la voie d’un consensus général, mais par celle d’une volonté gouvernementale affirmée.
Le Conseil d’Etat, au reste, finasse en disant attendre des propositions dont beaucoup ont déjà été énoncées de longue date et qu’il connaît fort bien. Réalisables en elles-mêmes, elles n’ont pas été appliquées parce que le Château ne l’a pas voulu jusqu’ici. Que le Château, désormais, le veuille!
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Les politiciens face à la réforme scolaire – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Par coeur – Alexandre Bonnard
- La centralisation coûte cher – Revue de presse, Ernest Jomini
- Catalogue des prestations inutiles (VI) - Le management de la qualité – Cédric Cossy
- Retour sur l'autorité naturelle – Jacques Perrin
- Schengen: détails révélateurs – Nicolas de Araujo
- L'exemple de Cuba – Jacques Perrin
- Une Ligne Maginot conviviale – Le Coin du Ronchon