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Les années septante vues par Vialatte (5)

Alexandre Vialatte
La Nation n° 1951 5 octobre 2012

[…] C’est parce qu’on a trop de choses à lire. Dans tout ça, peu de littérature. Car la littérature, au meilleur sens du mot, commence et finit avec le style. Et il y a peu de véritables écrivains. En revanche, il y a beaucoup de livres, comme il y a beaucoup de détergents, parce qu’il faut que les imprimeries tournent et que les marchands de savon vendent beaucoup de savonnettes. A son origine, l’imprimerie était conçue pour diffuser les livres, maintenant les livres sont écrits pour faire travailler l’imprimerie. Et comme elle va extrêmement vite, elle a besoin de beaucoup de manuscrits. Ils répondent à des besoins nouveaux qui n’ont rien à voir avec l’art. Ce qui ne veut pas dire qu’ils soient sans intérêt. La politique, l’histoire, l’information, la biologie, la sociologie, la science-fiction, que sais-je! la futurologie, peuvent même être, aussi, littéraires; en plus; mais pratiquement elles nous donnent l’impression de produire des ouvrages réalisés en chaîne, avec le meilleur et le pire, le presque bien, le presque pire et l’entrelardé. Ils répandent la faute d’orthographe, la plus douteuse grammaire, un jargon incroyable, l’ignorance totale du français et le sensationnel à bas prix. […] C’est ce qu’on appelle la vulgarisation. Il suffit d’un voyage lointain raconté par un illettré pour en rendre l’auteur directeur d’une collection dite littéraire. Il suffit d’un toupet savamment orchestré par une équipe à sa merci, pour qu’une dame sans nulle compétence devienne directrice de conscience des foules qui n’en savent pas plus long. […]

Alexandre Vialatte, chronique 896 du 28 mars 1971, in Chroniques de la Montagne (volume 2), Paris, Robert Laffont, 2000.

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