Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Dieu et l’argent

Denis Ramelet
La Nation n° 1970 28 juin 2013

Les éditions Cabédita ont lancé ce printemps une collection d’ouvrages traitant du christianisme, intitulée «Parole en liberté» et dirigée par Daniel Marguerat, professeur honoraire de Nouveau Testament à la Faculté de théologie de l’Université de Lausanne.

Les trois premiers volumes de la collection, d’une centaine de pages chacun, traitent respectivement des premiers chrétiens (Daniel Marguerat, Un admirable christianisme – Relire les Actes des apôtres), de la souffrance (Yvan Bourquin, Quel Dieu pour tant de souffrance? – Lettre aux blessés de la vie) et de l’argent (Daniel Marguerat, Dieu et l’argent – Une parole à oser). Nous avons lu et apprécié ce dernier ouvrage1.

Daniel Marguerat part de la fameuse parole du Christ, «Nul ne peut servir deux maîtres: Dieu et Mamon», et montre qu’elle contraste avec l’Ancien Testament, dans lequel la richesse est vue plutôt comme une grâce de Dieu. Cependant, ce qui a été reçu gratuitement de Dieu ne saurait être accaparé.  D’où les diverses dépossessions partielles prévues dans l’Ancien Testament, en particulier la dîme, l’année sabbatique et le jubilé.

Passant ensuite au Nouveau Testament, Daniel Marguerat nous apprend que «Mamônas est le nom araméen de la petite statuette de la fortune, à qui l’on sacrifiait pour obtenir du succès dans les affaires ou dans les relations» (p. 29). Il ajoute (pp. 30-31): «Comme toujours en hébreu, le nom est révélateur. Mamônas vient de la racine hébraïque âman, qui a donné le mot amen, par quoi nous affirmons que notre prière est vraie. Aman indique la stabilité, la fermeté. […] Mamon, c’est l’argent qui se présente comme garantie de stabilité. […] Mamon, c’est l’argent-refuge.» Et encore (p. 32): «Derrière l’accumulation des richesses, c’est donc la peur de manquer qui se trouve tapie, et derrière elle la peur de la mort.» Et enfin (p. 34): «Rechercher la sécurité dans l’argent revient à le déifier en faisant de lui une idole sécuritaire. Du coup, l’énergie vitale est absorbée par la quête du gain, car l’accumulation à but sécuritaire ne connaît pas de limites. Du coup aussi, souci de l’autre et attention aux besoins des démunis s’évanouissent face au besoin compulsif d’avoir assez.»

A la suite de Jacques Ellul, Daniel Marguerat invite donc à «profaner» Mamon, à le «dépouiller de la sacralité dont on l’a affublé», à le «ramener à son rôle d’instrument matériel, fait pour l’échange et pour la vie» (p. 47). Par quel moyen? Daniel Marguerat voit dans le Nouveau Testament cinq «modèles de liberté à l’égard des biens» (p. 51): deux «modèles d’utopie» (le dépouillement et la communauté des biens) et trois «modèles de participation» (la collecte, le mécénat et le bénévolat), qu’il invite à «conserver en tension» (p. 73): «Livré au seul modèle d’utopie, le christianisme est exposé à l’enthousiasme; animé par les seuls modèles de participation, il devient le complice des barons de l’économie. Réservée aux purs ou (à l’inverse) confondue avec un simple réseau de correctifs suaves, la liberté chrétienne décède.»

Nous recommandons la lecture de cette belle synthèse de l’enseignement biblique sur l’argent, à la fois accessible et profonde.

Notes:

1 Daniel Marguerat, Dieu et l’argent, Cabédita, 2013.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: