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NON à la banalisation du diagnostic préimplantatoire

Denis Ramelet
La Nation n° 2042 15 avril 2016

Lors des votations fédérales du 14 juin 2015, le peuple et les cantons suisses ont approuvé la modification de l’article 119 alinéa 2 lettre c de la Constitution fédérale traitant de la procréation médicalement assistée.

La Nation avait appelé à rejeter cette modification1.

Rappelons que cette modification consiste dans le remplacement, à l’article précité, de quatre mots par six autres mots. L’ancien texte disposait: «(…) ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu’au stade d’embryon que le nombre d’ovules humains pouvant être immédiatement implantés ». Le nouveau texte dispose quant à lui: «(…) ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu’au stade d’embryon que le nombre d’ovules humains nécessaires à la procréation médicalement assistée ».

En vue de la mise en œuvre de cette modification constitutionnelle, le Parlement fédéral avait adopté, préalablement à la votation populaire, une véritable refonte de la loi fédérale sur la procréation médicalement assistée (LPMA) – près de trente articles ajoutés ou modifiés – allant beaucoup plus loin que le projet du Conseil fédéral dans le sens de la libéralisation du diagnostic préimplantatoire (DPI)2.

Si la modification constitutionnelle avait été rejetée, cette refonte serait passée à la trappe. Mais puisque la modification constitutionnelle a été approuvée, la révision de la LPMA a été publiée le 1er septembre 2015 dans la Feuille fédérale. Un certain nombre d’associations de défense des personnes handicapées (telles Insieme et Cerebral), deux partis (UDF et PEV) et une cinquantaine de parlementaires fédéraux (de gauche comme de droite) ont lancé le référendum. La Nation l’a soutenu 3.Il a abouti avec plus de 58’000 signatures valables. C’est l’un des cinq objets au menu des votations du 5 juin. Nous appelons au rejet de cette refonte ultra-libérale de la LPMA.

Dans les paragraphes qui suivent, nous reprenons une nouvelle fois l’argumentation déjà développée dans notre article de mai 2015, avec quelques modifications.

Avant de passer en revue les principales modifications apportées à la LPMA, il est nécessaire de rappeler les premières étapes de la conception. Tout commence par l’«imprégnation», c’est-à-dire la pénétration du spermatozoïde dans l’ovule. Il faut attendre une quinzaine d’heures pour que les noyaux de ces deux cellules fusionnent. Avant la fusion des noyaux, on parle d’«ovule imprégné»; à partir de la fusion des noyaux, on parle d’«embryon». La «migration» de l’embryon dans la trompe en direction de l’utérus dure environ cinq jours. Aux alentours du sixième jour intervient la «nidation» de l’embryon dans l’utérus.

La loi actuelle dispose: «Ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu’au stade d’embryon que le nombre d’ovules imprégnés nécessaire pour induire une grossesse durant un cycle de la femme; ce nombre ne peut être supérieur à trois.» (art. 17 al. 1 LPMA) Il est interdit de développer in vitro un embryon au-delà du stade propice à la nidation (al. 2). Il est également interdit de congeler des embryons (al. 3). La loi actuelle autorise la congélation d’ovules imprégnés, mais seulement pour une durée de cinq ans (art. 16). Enfin, la loi actuelle prohibe le DPI: «Le prélèvement d’une ou plusieurs cellules sur un embryon in vitro et leur analyse sont interdits.» (art. 5 al. 3)

A l’origine, les techniques de PMA ont été développées pour résoudre certains problèmes de stérilité et permettre ainsi à certains couples qui en sont empêchés d’avoir des enfants. Puis, le développement du «génie génétique» a permis de trouver dans les gènes l’origine de certaines maladies.

Le but du DPI est de soumettre les embryons à un «contrôle de qualité» avant de les implanter dans le corps de la femme, pour éviter que se pose ultérieurement la délicate question de l’éventuel avortement d’un embryon «défectueux». Alors que le Conseil fédéral souhaitait réserver le recours au DPI aux couples dont l’un des membres se sait porteur d’une grave maladie héréditaire (entre 50 et 100 cas par année), le Parlement a choisi d’ouvrir le DPI à tous les couples qui recourent à la PMA (environ 6’000 cas par année), même ceux qui y recourent à cause d’un «simple» problème de stérilité, sans que l’un ou l’autre membre du couple ne soit porteur d’une grave maladie héréditaire. On peut parier que, à brève échéance, des couples qui n’ont ni maladie héréditaire grave ni problème de stérilité revendiqueront, au nom de l’égalité de traitement, le droit de recourir à la PMA et au DPI, dans le but de s’assurer que leur enfant sera «génétiquement correct».

Dans l’état actuel de la technique, pour qu’une PMA avec DPI ait des chances raisonnables de déboucher sur une naissance, il faut développer au moins une dizaine d’embryons in vitro. La nouvelle loi ferait donc sauter les principaux garde-fous contenus dans la loi actuelle:

– on pourrait développer in vitro jusqu’à douze embryons;

– les embryons pourraient être congelés;

– la durée de conservation serait allongée à dix ans.

Avec 6’000 traitements par année et une réglementation aussi laxiste, nous aurions rapidement en Suisse des dizaines de milliers d’embryons congelés, dont les neuf dixièmes seraient condamnés à une triste fin (art. 16 al. 4 de la nouvelle loi): soit leur destruction pure et simple, soit leur utilisation pour la recherche scientifique, comme de vulgaires animaux de laboratoire.

Au motif d’«épargner aux couples une décision difficile»4 – celle d’avorter ou non un embryon «défectueux» – on veut donner à un scientifique dans son laboratoire le pouvoir de décider de la vie et de la mort des embryons: c’est lui qui jugerait souverainement lesquels sont dignes de vivre, lesquels sont condamnés à la mort immédiate et lesquels obtiennent le sursis de la congélation.

En outre, le comité interpartis «Non à cette loi sur la procréation médicalement assistée» fait valoir l’argument suivant: «Les parents ayant refusé de faire examiner des embryons ou choisi de garder un enfant avec un handicap pourraient, à l’avenir, avoir à se justifier.»5 La simple mise à disposition de la procédure du DPI engendrera une pression sociale pour l’utiliser. L’autorisation du DPI renforcerait à coup sûr la mentalité eugéniste de notre société.

En résumé: au lieu d’aider à éliminer la maladie, le DPI aide à éliminer le malade. C’est donc tout le contraire d’un acte médical.

Pour tous ces motifs, nous invitons nos lecteurs à voter et faire voter NON à la modification de la LPMA.

Notes:

1 Denis Ramelet, «NON au diagnostic préimplantatoire», La Nation n° 2018, du 15 mai 2015.

2 Le diagnostic préimplantatoire consiste à analyser génétiquement les embryons issus d’une fécondation in vitro avant de les implanter dans l’utérus en vue de la grossesse.

3 Denis Ramelet, «Référendum contre le diagnostic préimplantatoire», La Nation n° 2028, du 2 octobre 2015.

4 Page 38 de la brochure explicative du Conseil fédéral en vue des votations du 5 juin 2016 (déjà disponible sur www.admin.ch).

5 http://www.fmedg-nein.ch/fr/non-a-cette-loi-sur-la-procreation-medicalement-assistee/#c9738.

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