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Nouveau catéchisme: de la page blanche au fait accompli

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1775 6 janvier 2006
Dans l’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud, le catéchisme dure quatre ans. Les deux premières années sont confiées aux laïques, les deux dernières aux pasteurs. Le responsable laïque, en général seul face à ses catéchumènes, jouit d’une liberté à peu près totale tant dans le choix des thèmes traités et de la pédagogie utilisée que dans le lieu, la fréquence et la durée des rencontres.

Les autorités de l’Eglise ont désiré remplacer ce joyeux désordre par un système entièrement intégré qui conduirait, par étapes cohérentes, de l’enseignement des tout petits à la catéchèse des adultes, en passant par le culte de l’enfance et le catéchisme des adolescents.

Les travaux sont bien avancés. Il y a trois semaines, on en a présenté les grandes lignes aux catéchètes vaudois. Tout est nouveau, le découpage des âges (aligné sur les cycles EVM), la structure de l’enseignement (le catéchète seul disparaîtrait au profit d’un enseignement à plusieurs) et la méthode (une méthode inspirée des travaux de M. Claude Lagarde, dont on dit du bien dans les milieux ecclésiastiques). Nous reviendrons ultérieurement sur ces nouveautés.

Les personnes, fort estimables, qui sont venues présenter le projet ont affirmé que l’avis des catéchètes était essentiel. Il leur tenait à cœur d’entendre les gens du «terrain» – c’est le terme qu’ils ont utilisé. Effectivement, les catéchètes ont pu voir évoluer les enfants, les parents, les modes théologiques et les influences extérieures. Ils ont dû résoudre, chacun à sa façon, les problèmes concrets que cette évolution leur posait. Ils sont particulièrement bien placés pour dire où porter l’effort.

Mais pour bien faire, il aurait fallu recevoir cet avis si précieux avant que les travaux ne débutent. Il aurait fallu commencer par demander aux catéchètes comment ils jugeaient la situation actuelle, examiner leurs réponses, écouter leurs propositions et leurs demandes. On ne l’a pas fait. Et aujourd’hui, alors que la consultation commence, les grandes orientations sont déjà prises.

La consultation des catéchètes ne porte donc pas sur le fond. C’est une consultation tactique, qui a pour fonction de déterminer où il faudra lâcher du lest pour éviter les oppositions frontales. En un mot, c’est une consultation de déminage. Il s’agit de déminer le «terrain», précisément.

C’est la procédure dite «de la page blanche», qui consiste à repartir à zéro. On fait du présent table rase. On prend un spécialiste qui peaufine une conception globale prévoyant tout, intégrant tout, organisant tout. Puis, on consulte sur les détails. Cette procédure peut aussi être dite «du fait accompli».

On change d’en haut, ce qui en soi n’est pas scandaleux, mais sans se préoccuper du bas, ce qui l’est davantage. Surtout, on change du dehors. Le dedans, c’est-à-dire les pratiques existantes, les habitudes éprouvées, les personnes engagées, toute cette réalité qui fait qu’aujourd’hui encore, le catéchisme se donne en Pays de Vaud, tout cela n’a qu’à se plier et suivre.

Placés devant ce système tout neuf, certains y verront l’expression d’un mépris pour leur pratique, un déni de leurs efforts constants d’adaptation. Ils se retireront sans faire beaucoup de bruit, non sans rancœur à l’égard de l’Eglise. Ce sera une perte sèche sur le plan pratique, mais aussi sur le plan moral. On ne la comblera pas facilement.

Les autres bricoleront un mélange entre leurs habitudes et les nouveautés. Ce sera insatisfaisant pour tout le monde. Les «concepteurs» dénonceront alors l’action de «forces de résistance» s’accrochant à des formules «désuètes» et refusant d’admettre que «la paroisse d’autrefois n’existe plus», comme on l’a entendu dire lors de la présentation. Les rares catéchètes qui s’efforceront de se conformer aux nouveautés s’épuiseront rapidement, à l’image des enseignants qui avaient voulu suivre à la lettre les consignes de «Maîtrise du Français».

Il y a des règles pour réussir un changement. La première est qu’on ne change les êtres vivants, et en particulier les humains, qu’en agissant de l’intérieur. Il faut respecter la nature des choses qu’on veut changer, leur rythme interne, leurs usages, leurs limites. Aucune considération d’urgence ne vaut contre cette exigence. C’est la sagesse populaire, «il n’y a pas de problèmes urgents, seulement des gens pressés».

Il faut tout prendre avec soi, incorporer le passé et le présent à son effort, créer de nouvelles habitudes, ne pas perdre le contact avec les praticiens, mettre à profit leur longue expérience. Il y faut de l’opiniâtreté, du bon sens, et aussi de la loyauté. Celui qui veut changer doit agir comme levain, qui prend la pâte tout entière dans le mouvement qu’il fait naître en elle. L’Eglise est apte à comprendre cette image!

D’expérience, et les Vaudois ont fait un certain nombre d’expériences ces dernières décennies, une réforme est promise à l’échec si ses auteurs ne tiennent pas compte du rythme humain, de l’expérience humaine, des craintes humaines, et même des faiblesses humaines.

Dans ma région, les réactions des catéchètes ont été négatives, agressivement négatives, même, lors de la présentation du projet. C’est un point que les autorités de l’Eglise feraient bien de ne pas oublier : la plus globale des visions d’ensemble, le plus élaboré des organigrammes, la plus raffinée des méthodes n’ont jamais créé ni remplacé le moindre catéchète en chair et en os.

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