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Le flipper: un jeu digne des Jeux

Jean-François Cavin
La Nation n° 2120 12 avril 2019

Le flipper n’a pas cessé de cliqueter et de tinter. Il s’est fait rare, il est vrai, dans le fond des cafés ou sous les néons des salles de jeux. Mais il perdure, le «tac-tac», comme on l’appelait aussi (abusivement, car l’authentique tac-tac est un jeu à deux boules suspendues à des fils qu’on tient en main). Il se maintient même si bien que ses amateurs les plus adroits se mesurent en championnat; il s’en organise un en Suisse, dont les épreuves préliminaires se sont tenues il n’y a pas longtemps quelque part à La Côte; et le championnat du monde se déroule le plus souvent aux Etats-Unis d’Amérique.

C’est donc un sport à part entière, qui devrait normalement trouver sa place aux Jeux Olympiques. D’aucuns trouveront cette proposition déplacée, jugeant que le billard électrique ne réclame pas de grandes performances physiques. Appréciation erronée! L’art de pulser la bille métallique, grâce au ressort initial et plus encore par le truchement des doigts articulés de la mécanique, requiert une domination parfaite du geste et des nerfs, une rapidité de réaction exemplaire, pour que cette boule atteigne les champignons riches en énergie de rebond, percute une cible minuscule au fond du plan incliné et évite le couloir de la perdition. Une intense concentration donc, comme au tir, discipline olympique.

De plus, tout n’est pas dans le doigté. Pour que la boule rebondisse juste, il faut de temps à autre imprimer à la caisse lumineuse un imperceptible élan. On obtient ce résultat par une légère pression du corps ou des bras contre le billard, produite elle-même par un souple déhanchement. Ce qui appelle une maîtrise corporelle comparable, même si c’est moins spectaculaire, à celle qu’exigent certains exercices au sol de la gymnastique artistique, discipline olympique.

Mais n’allez pas donner cette impulsion avec trop de force ou de brusquerie, car la machine regimberait: tilt! la partie est perdue. Il faut en effet traiter le caisson avec la plus grande finesse, en développant l’intuition de ce qu’il acceptera. Il faut «sentir» la machine, comme il faut sentir et respecter l’animal que l’on dresse, ce qui rapproche le flipper du dressage équestre, discipline olympique.

On voit que l’art exigeant du tac-tac trouverait une place largement justifiée au programme des Jeux Olympiques. Pour obtenir l’aval du CIO, il conviendrait probablement de songer à une concession majeure à l’hygiénisme contemporain. Car le vrai joueur de flipper, à l’époque des arrière-salles enfumées, faisait preuve de sa virtuosité la cigarette aux lèvres et la cendre tombait, dans le meilleur des cas, au moins trois fois avant la fin de la partie. Les champions d’aujourd’hui renonceront à la Gauloise disque bleu pour décrocher les cinq anneaux.

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