Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Un Monopoly vaudois

Camille Monnier
La Nation n° 2165 1er janvier 2021

Devenu l’un des jeux les plus populaires de notre société, le Monopoly fait avant tout référence à une bonne soirée entre amis. A l’origine pourtant, la création d’Elizabeth Magie brevetée en 1903, The Landlord’s Game et qui plus tard évoluera pour devenir le jeu que nous connaissons, avait pour ambition de transmettre une vision politique bien spécifique. Cette femme, descendante d’immigrés écossais et vivant aux Etats-Unis au tournant du XXe siècle, était mue par des idées en vogue dans les milieux progressistes. Son désir n’était autre que d’utiliser le vecteur du jeu de société pour dénoncer l’accaparement des terres par les plus riches et l’oppression des locataires par les rentiers1. Toute la stratégie du jeu consiste ainsi à démontrer ce mécanisme de mainmise du marché. Le gagnant ne sera autre que celui qui réussira à garder le meilleur équilibre entre engrangement d’argent et monopole du maximum de terrains pour y construire des bâtiments. Le but étant, à terme, de conduire les adversaires à la faillite. La reconnaissance de Magie comme étant la véritable conceptrice de ce jeu ne fut que posthume, une obscure histoire de vol de droits d’auteurs par un certain Charles Darrow faisant partie de l’histoire. D’ailleurs, le site «Monopolypedia, l’encyclopédie du Monopoly» ne fait aucune référence à son nom2.

Aujourd’hui, le Monopoly se décline pour tous les goûts. On en trouve pour les amateurs de certaines séries cultes comme le Friends Monopoly ou le Game of Thrones Monopoly. Les amateurs d’alpinisme trouveront leur bonheur avec le Monopoly des cabanes du CAS. Même les féministes en mal de distinction genrée pourront se procurer le Mme Monopoly. Au niveau fédéral, on nous offre tout un choix d’échelle, allant de la version classique suisse à la version communale – de Lausanne par exemple. Pour les Vaudois passionnés de géographie, une nouvelle version en édition limitée vient de sortir, le Monopoly Vaud. Avec ce jeu pourtant, nous sommes loin d’une balade parmi la palette de communes vaudoises, ce qui aurait pu représenter une vitrine touristique du terroir intéressante.

En lieu et place des traditionnelles cases «aéroport», ces références spatiales spécifiques ont été remplacées par les noms communs des lieux d’attente chers aux usagers des transports publics, comme «la gare centrale» ou le «port». Cette version cantonale nous offre la possibilité de s’approprier des terrains et de construire nos maisons sur les cases de certaines villes phares, certes, mais également de commerces ou d’industries touristiques. On est déçu de ne pas y trouver Moudon, Echallens, Orbe ou Romainmôtier. Swissquote Bank et le Golf Club de Villars ont trouvé davantage grâce aux yeux des concepteurs. Cette édition n’est d’ailleurs physiquement en vente que chez ceux qui sont eux-mêmes à vendre sur le plateau: chez Manor et dans le magasin Franz Carl Weber.

La Place Saint-François n’ayant plus la part belle comme dans le jeu classique suisse, quelle institution aura donc l’honneur de figurer sur la dernière case bleu foncé? Un indice: son propriétaire d’autrefois, à défaut de bien parler français, fit vibrer le petit écran de son talent muet.

Ce Monopoly est surtout une plate-forme promotionnelle pour des entreprises commerciales; une version avec les hauts lieux de notre Pays reste à faire.

Notes:

1  «The Secret History of Monopoly: The Capitalist Board Game’s Leftwing Origins», the Guardian, 11 avril 2015, http://www.theguardian.com/lifeandstyle/2015/apr/11/secret-history-monopoly-capitalist-game-leftwing-origins.

2  «Histoire du Monopoly», consulté le 14 décembre 2020, http://www.monopolypedia.fr/univers/histoire/histoire.php.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: