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La Birette au Mormont en 1970

Jean-Michel Henny
La Nation n° 2172 9 avril 2021

Depuis des mois, le Mormont et ses occupants noircissent des pages entières de nos journaux.

Il y a plus de cinquante ans, la Feuille d’avis de Lausanne, aujourd’hui 24 heures, y consacre plusieurs articles. Les 23 et 28 septembre 1970, Bertil Galland critique sur deux pleines pages le projet de construction d’une maison de vacances sur la «croupe» de la colline, au lieu-dit «La Birette». C’est «L’affaire du Mormont».

Le journaliste défend l’intégrité d’un site alors vierge de toute construction. Il craint que cette maison soit le début d’un cancer qui risque de gagner toute la pente ouest encore sauvage du Mormont. Comme il l’écrit, ce lieu est à la fois une liaison entre le Jura et le Gros-de-Vaud et une barrière entre le Nord et le Sud du Canton; un élément géographique et géologique essentiel du pays. Il insiste aussi sur la protection dont il bénéficie depuis la mise en vigueur, le 1er janvier 1970, de la nouvelle loi cantonale sur la protection de la nature et des sites.

Mais le chantier a déjà commencé en été 1970. Dans un premier temps, la Municipalité de La Sarraz a refusé le permis de construire, mais sa décision a été cassée par la Commission cantonale de recours en matière de constructions, malgré la réticence du Service cantonal de l’urbanisme qui jugeait ce projet «indécent».

En exhortant l’Etat à exproprier le constructeur qui fait flotter un large drapeau bernois sur son chantier, Bertil Galland insiste «…mais au côté des naturalistes, les géologues, les géographes, les historiens, les écrivains, les peintres témoigneront demain, s'il le faut, que le Mormont doit être défendu».

Et il est suivi. Dans un texte publié le 12 octobre 1970, toujours dans la Feuille d’avis de Lausanne, le poète Philippe Jaccottet se jette dans la mêlée depuis Grignan: «Chaque fois que des menaces de cet ordre se manifestent, et qu'une réaction, plus ou moins vive, se produit, nous sommes condamnés à recourir aux mêmes arguments, qui sont, contentons-nous pour le moment du terme, esthétiques. Nous disons en effet: ce lieu est trop beau pour qu'on puisse y toucher (et ce que nous appelons "beau", on devrait finir par le savoir, c'est d'abord le sauvage, l'intact, le pur). Disant cela, ou à peu près cela, nous partons presque battus d'avance. Paroles de poètes, d'esthètes, de mandarins. A quoi ça sert, la beauté? Qu'est-ce que ça rapporte?»

Malgré les critiques, la résidence secondaire, qui est plutôt une villa aux dimensions respectables, a été terminée mais heureusement sans susciter d’autres constructions dans le secteur. La levée de boucliers n’y est peut-être pas étrangère.

La maison et les terres environnantes ont finalement été achetées par Holcim, qui exploite la carrière de calcaire du Mormont pour y étendre son extraction. C’est ce qui vaut à La Birette sa récente notoriété. C’était en effet, jusqu’au 30 mars dernier, le centre névralgique des «zadistes».

Un demi-siècle a passé et le Mormont est toujours une «zone à défendre». Mais notre propos n’est pas de discuter ici des arguments des constructeurs de logements qui ont besoin de ciment et des protecteurs de la nature et des sites qui ne nous disent pas comment on peut se passer de ciment. A cet égard, 24 heuresa publié ces dernières semaines une excellente série d’articles sur le sujet1.

Construire ou détruire? Faut-il choisir?

Notes:

1    Voir notamment l’épisode 4 dans le numéro du 26 février 2021

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