Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Faut-il supprimer la valeur locative?

Jean-Hugues Busslinger
La Nation n° 2283 11 juillet 2025

La Suisse est un pays de locataires, dit-on. Elle est bien près de le rester longtemps car les conditions d’accès à la propriété foncière risquent de devenir plus difficiles. Le 28 septembre prochain, nous serons appelés aux urnes pour nous prononcer sur la suppression de la valeur locative et la création en lieu et place d’un impôt foncier sur les résidences secondaires (voir à ce sujet l’article d’Antoine Rochat dans La Nation n° 2274 du 7 mars 2025, qui expose les résultats du travail parlementaire).

Vieux combat des propriétaires alémaniques, l’abolition de la valeur locative divise, et la réforme proposée rassemble nombre d’oppositions: les associations de locataires d’abord, les professionnels de l’immobilier ensuite, une partie du monde financier et économique ainsi que la Conférence suisse des Cantons. Réformer le système peut-être, mais pas comme le projet soumis au vote le prévoit.

 

La théorie et la réalité

En bonne théorie, la suppression de l’imposition d’un revenu fictif –car c’est bien de cela qu’il s’agit– devrait réunir de très larges soutiens, à l’exception peut-être de ceux qui sont opposés à toute réduction de la fiscalité. Un tel allégement devrait contribuer à la réalisation du mandat constitutionnel d’encouragement à la propriété du logement, en réduisant la charge fiscale qui lui est liée. Les conditions mises par les Chambres à cette suppression font cependant l’effet inverse. On risque bien de se tirer une balle dans le pied.

En effet, on rappellera que la suppression est liée à l’introduction d’un nouvel impôt sur les résidences secondaires, au profit des Cantons alpins essentiellement. Seront ainsi potentiellement touchés tous les propriétaires de chalets ou d’appartements en montagne. Ensuite, si la situation ne change pas pour les immeubles loués à des tiers, sauf en ce qui concerne la déduction des frais d’amélioration énergétique ou de protection de l’environnement, elle est radicalement modifiée pour les propriétaires de leur propre logement. Jusqu’ici, en contrepartie de l’imposition de la valeur locative, le propriétaire avait la possibilité de déduire fiscalement de son revenu les intérêts hypothécaires, les frais d’entretien de l’immeuble et d’autres frais immobiliers, notamment les frais de remise en état d’immeubles nouvellement acquis, les frais liés à l’efficience énergétique ou la mise aux normes écologiques. Toutes ces déductions seront purement et simplement supprimées. Seuls les primo-accédants, entendez ceux qui acquièrent un bien pour la première fois ou qui l’ont acquis depuis moins de dix ans, pourront partiellement déduire les intérêts hypothécaires. Les Cantons conservent jusqu’en 2050 la possibilité d’admettre les déductions pour les investissements liés à la protection de l’environnement ou l’amélioration énergétique de l’immeuble. Pour faire bon poids, la suppression de la déduction des intérêts passifs concerne aussi les intérêts d’une dette privée et non les seuls intérêts liés à la dette hypothécaire.

 

Plus de perdants que de gagnants

Parmi les perdants de l’opération, on peut assurément désigner les propriétaires privés de leur logement financé en partie par l’emprunt, ceux qui n’ont pas (pas encore) assaini leur immeuble ou qui doivent faire face à des travaux liés à l’amélioration de l’efficacité énergétique, par exemple un changement de chauffage, ainsi que les contribuables endettés sur le plan privé. Les investisseurs institutionnels ou les privés propriétaires d’immeubles de rendement ne pourront plus déduire les frais liés à l’assainissement du bâtiment. En outre, les entreprises du bâtiment ont du souci à se faire. Il est hautement probable que le rythme des travaux de rénovation ou d’assainissement se ralentisse fortement, et certains évoquent déjà le spectre d’un retour du travail au noir faute d’incitation fiscale à déclarer les travaux. Enfin, ceux qui espéraient un jour acquérir un bien immobilier verront leur situation se compliquer, du fait de la suppression des intérêts passifs.

Du côté des gagnants, on trouve sans surprise les propriétaires d’un bien franc de dette hypothécaire, qui ont d’ores et déjà assaini leur immeuble ou n’ont pas de travaux importants à affronter. Dans une moindre mesure, et bien qu’elles s’en défendent, les autorités fiscales pourront trouver avantage à la suppression de certaines déductions, notamment énergétiques.

A l’heure du bilan, la balance ne penche guère pour la suppression de la valeur locative. Tout bien pesé, refuser le changement de système semble bien être la voie de la raison.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*



 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: