Une politique d'asile à la surface des choses
Nous allons voter dimanche prochain sur les modifications urgentes de la loi fédérale sur l'asile. Il s'agit d'un durcissement, que nous allons sans doute accepter. Cette révision répond à la crainte sourde qu'éprouvent beaucoup de Suisses face à un mouvement migratoire apparemment sans fin, des autorités désemparées et des lois insuffisantes.
A vrai dire, nous ne croyons pas beaucoup au succès de ces nouvelles mesures. L'histoire du droit d'asile des trente dernières années est une succession de durcissements inefficaces. Pas plus que la révision de 1987 ou les «mesures de contrainte» de 1995, la nouvelle loi ne nous donnera la maîtrise de l'immigration.
En particulier, elle ne supprimera pas l'obligation que nous fait notre propre droit d'accueillir tous les demandeurs d'asile durant tout le temps qu'on examine leur demande, si nombreux soient-ils, si nombreux, en particulier, soient ceux dont les chances d'obtenir le statut de réfugié sont à l'évidence rigoureusement nulles. Cela fait que de nombreux demandeurs sans espoir prolongent leur séjour chez nous durant des années.
Comment en est-on arrivé là? Dans les années 70, sensibles aux problèmes des personnes menacées dans leur vie pour leurs opinions, les autorités suisses étendirent la portée de notre droit d'asile: de ce droit, qui était à l'origine le droit de la Suisse d'accueillir souverainement qui bon lui semblait, elles firent un droit individuel accordé à toute personne – quelles que fussent sa nationalité, sa langue et sa religion – qui serait persécutée pour ses idées politiques. On parla d'un droit «généreux».
Ce que nos autorités n'imaginaient pas, c'est que les demandeurs d'asile se multiplieraient au point de se transformer en un véritable mouvement migratoire. Cette évolution nous posait un problème nouveau qu'il fallait aborder dans une vision politique d'ensemble. Nous nous sommes obstinés à le traiter administrativement, au coup par coup, selon les procédures individuelles du droit d'asile.
Périodiquement, nous tentons de limiter les effets de notre générosité juridique par des mesquineries bureaucratiques. Pour rendre la Suisse moins «attractive», on diminue les possibilités d'entrée, on durcit les critères, on réduit les délais de recours. Le flux ne tarit pas pour autant.
Pour nous donner une chance de maîtriser la question, il faudrait commencer par distinguer nettement le droit d'asile, réservé à des cas particuliers, et la politique d'immigration. Il faudrait ensuite que celle-ci soit cadrée par nos capacités réelles, non seulement matérielles mais aussi psychologiques, morales et culturelles d'accueillir et d'assimiler les immigrants. Ce souci est manifestement le dernier du législateur.
Nous pouvons bien voter oui le 9 juin, pour donner un «signal fort», son effet d'annonce durera une semaine ou deux. Puis nous nous retrouverons devant le même et lancinant problème.
(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 4 juin 2013)