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Loterie et bien commun

Julien Le Fort
La Nation n° 1837 23 mai 2008
Le 22 avril dernier, un comité formé de personnalités issues des milieux culturels, sportifs et sociaux de l’ensemble de la Suisse (dixit le comité lui-même), a lancé une initiative populaire fédérale intitulée «Pour des jeux d’argent au service du bien commun».

De prime abord, nous avons eu à la fois de la sympathie et de la méfiance pour cette initiative.Méfiance en général parce que La Nation a toujours exprimé ses réserves à l’égard des jeux d’argent et des «gains» non gagnés qu’ils engendrent, méfiance également parce que (presque) toute initiative populaire fédérale crée de la centralisation. Sympathie parce que, d’une part, l’initiative fait référence au bien commun et, d’autre part, elle vise à régler son compte à la Commission fédérale des maisons de jeux (CFMJ) qui est une commission particulièrement envahissante et odieuse.

Sans entrer ici en matière sur le fond de l’initiative, il semble intéressant d’exposer le contexte dans lequel elle s’inscrit; cela permet de mieux en saisir les enjeux.

En 2004, la CFMJ a en quelque sorte déclaré la guerre à la Loterie romande en interdisant les machines nommées Tactilo. Les Tactilo sont des machines de loterie à écran tactile; ces machines permettent d’acheter des billets de loterie qui ne sont pas émis sur du papier mais seulement affichés sur un écran tactile. Au lieu de gratter son billet, on touche sur l’écran les zones qu’on souhaite «gratter». Ces Tactilo ne sont pas des machines de jeux de hasard car les billets qu’affichent ces machines ne sont pas générés au hasard; les billets et leur ordre de tirage sont prédéfinis sans que le joueur ne les connaisse.

La distinction entre jeux de hasard et loteries est ici capitale. En effet, les jeux de hasard sont soumis à la surveillance fédérale de la CFMJ et ne peuvent être exploités que dans des casinos, tandis que les loteries, bien que formellement soumises au droit fédéral, bénéficient d’une large délégation de compétences en faveur des cantons et échappent à la CFMJ au profit de la Loterie romande.

Selon la catégorie, la destination des gains générés par le jeu diffère passablement: alors que les jeux de hasard (fédéraux) servent à financer l’AVS via un impôt très élevé, les loteries (cantonales) alimentent des projets locaux d’associations culturelles, sportives ou sociales via la Loterie romande.

On comprend dès lors mieux l’initiative: elle est un épisode d’une lutte entre la CFMJ – créée en 2000 par la Confédération – et la Loterie romande – créée en 1937 par les cantons de Vaud, Valais, Fribourg, Neuchâtel et Genève –, c’està- dire entre une conception de la loterie libérale et fiscalisée et une conception traditionnelle, directement liée à des activités d’intérêt public.

Juridiquement, le Tactilo de la Loterie romande devrait logiquement demeurer soumis au régime visant les loteries puisque, comme déjà exposé, il répond à la définition de la loterie.

Politiquement, il nous semble également justifié d’éviter que la Confédération ne s’empare de revenus actuellement destinés à la Loterie romande, revenus qui permettent à la Loterie romande d’être une institution efficace et très innervée dans le soutien qu’elle apporte à des projets locaux. La Loterie romande permet à certaines communautés intermédiaires de survivre financièrement; cela est précieux.

De l’impôt fédéral ou du mécénat local, nous préférons bien entendu le second. Nous reviendrons toutefois dans un article ultérieur sur les propositions de l’initiative «Pour des jeux d’argent au service du bien commun».

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Au sommaire de cette même édition de La Nation:
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  • Juvenilia LXXXVI – Jean-Blaise Rochat
  • Le Gruyère se déguste-t-il avec du Champagne? – Olivier Klunge
  • Charles Péguy: essayiste, philosophe, poète – Lars Klawonn
  • «Ah oui! la démocratie!» – Revue de presse, Ernest Jomini
  • Les neiges d’antan – Revue de presse, Philippe Ramelet
  • Drogue à Lausanne, c’est reparti pour un tour – Olivier Delacrétaz
  • Initiative populaire générale: La Nation avait raison – Antoine Rochat
  • Les Eunuques du parlement – Olivier Klunge
  • Un mois d’enfer – Le Coin du Ronchon