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Ce que propose «Ecole 2010»

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1898 24 septembre 2010
Dans le courant de l’année prochaine, le peuple vaudois devra choisir entre deux conceptions scolaires en tout point opposées: le projet de Mme Lyon et l’initiative «Ecole 2010».

Le projet de Mme Lyon n’est pas encore public. Sa première version, qui a mal passé la consultation, indique la tendance générale: égalitarisme forcené, uniformisation à tout va, orientation retardée, panique face à l’échec scolaire, obsession de la formation longue. La version définitive semble se diriger vers un système à deux filières1 avec une orientation retardée d’une année et des niveaux dans la filière inférieure.

Praticiens vivant l’enseignement au quotidien, les auteurs de l’initiative partent de ce qui existe. Constatant des insuffisances, des blocages, des déséquilibres et des erreurs de perspective, ils proposent, point par point, d’y obvier. C’est ainsi qu’«Ecole 2010» reprend l’entier de la loi scolaire qu’elle modifie sur une bonne quarantaine de points, sans parler des ajustements nécessités par HarmoS.

Cette exhaustivité est la force d’«Ecole 2010» sur le fond et sa faiblesse du point de vue de la communication. Car cette profusion inquiète le citoyen accoutumé à voter sur une seule idée, parfois un simple slogan. Ne va-t-il pas, acceptant l’initiative, cautionner des nouveautés qu’il ne désire pas? reprenons les points principaux.

L’initiative annonce d’emblée la couleur. Parce que la socialisation des enfants ne suffit pas à justifier l’école obligatoire dès quatre ans, mais aussi pour mieux préparer l’acquisition des branches fondamentales, «Ecole 2010» fixe des objectifs scolaires dès l’école enfantine, notamment en français et en mathématiques.

L’initiative conserve les trois voies. Pour pondérer les décisions d’orientation à la fin de la sixième année (8e dans le jargon HarmoS), elle prévoit, jusqu’en fin de scolarité obligatoire, des passerelles permettant un changement de filière.

En ce qui concerne la voie baccalauréat (VSB), l’initiative prévoit le maintien des options spécifiques actuelles.

Pour approfondir et élargir l’offre de la filière moyenne (VSG), l’initiative rétablit les trois orientations littéraire, commerciale et technique. Le Grand Conseil les avait supprimées en 1998 à la suite d’obscures tractations politiciennes, mesure contre-productive dont les gens du terrain n’ont jamais admis la légitimité.

On sait que la VSO, «voie secondaire à options», connaît certains problèmes. Mme Lyon propose de les résoudre en supprimant la VSO. L’ennui, c’est que les enseignants et les élèves de la VSO continueront d’exister. Se contenter de les transférer, avec leurs problèmes, dans une voie moyenne élargie est une réponse dépourvue de sens. Conscients de cela, conscients aussi de tout ce que les maîtres de la VSO actuelle ont déjà mis en place pour préparer leurs élèves dans des conditions difficiles, les auteurs de l’initiative proposent au contraire de renforcer cette voie par cinq options spécifiques: maths renforcées, allemand renforcé, anglais renforcé, littérature, économie. L’élève devra en choisir deux. Elle prévoit aussi des «options de compétence» strictement orientées vers les métiers (ce ne seront pas des hobbies). Le but est que cette voie, qu’ils nomment «préprofessionnelle», n’apparaisse pas comme une évacuation par le bas, mais puisse au contraire faire l’objet d’un choix positif.

Le remplacement de l’année scolaire par des cycles de deux ans, nouveauté introduite par EVM, n’a pas donné satisfaction. L’élève se perd dans un plan de travail trop long et des délais trop mous. Le découpage annuel permet une maîtrise et un contrôle plus serrés de son activité. C’est d’ailleurs en soi une bonne chose que le rythme scolaire soit soutenu par le double rythme des saisons et des fêtes annuelles ordinaires. L’initiative propose donc de clore ici l’expérience des cycles et de revenir à un système annuel.

Dès la première primaire, l’initiative rétablit les notes, les moyennes de branches et la moyenne générale. L’échelle sera de 1 à 6, avec des demipoints et une moyenne de 4. En dessous, l’élève échoue et refait son année. «rétablir les notes» est d’ailleurs une manière de parler, car en réalité, quelle que soit la forme des appréciations magistrales, l’élève lambda finit toujours par les transformer en notes pour juger de sa situation, ses parents aussi. Autant jouer loyalement le jeu. De plus, on s’excuse de cette lapalissade, il n’est guère possible d’établir un bilan de fin d’année précis et probant sur la base d’évaluations approximatives. Enfin, par sa précision, la note empêche les interprétations excessives et dispense les conférences des maîtres des colloques interminables consacrés aux cas litigieux.

La scolarité obligatoire se termine par un examen écrit et oral en français, mathématiques et allemand, anglais et option(s) spécifique(s). La réussite, pondérée par les résultats de l’année, détermine l’obtention du certificat.

L’initiative demande pour chaque année et chaque branche des objectifs précis et détaillés, «en termes de connaissances et de compétences fondées sur des connaissances». Elle exige en particulier un renforcement de l’enseignement du français, en tant que base indispensable pour l’acquisition de toutes les autres connaissances.

Dans le même souci de précision, l’initiative demande que le Département choisisse prioritairement des moyens d’enseignement «explicites». La pédagogie explicite est sans doute moins «participative» et, disons-le, moins complaisante que les méthodes dites «constructivistes». Procédant du simple au complexe par petites étapes analytiques, elle est en revanche plus systématique et complète. Son caractère méthodique permet à l’enseignant et aux parents de discerner mieux et plus rapidement les progrès ou les lacunes de l’élève. La pédagogie explicite reconnaît la capacité de celui-ci à opérer la synthèse des éléments acquis et de les mettre en oeuvre dans des situations nouvelles, capacité qu’on appelle aujourd’hui «compétence».

Certains élèves, tout à fait capables de suivre l’enseignement dispensé dans leur filière, ont un comportement qui porte préjudice à toute leur classe. Pour y répondre, l’initiative prévoit de les placer, par décision du directeur, dans des «classes régionales d’encadrement»: ils y trouveront des effectifs réduits, des appuis scolaires, des devoirs surveillés, le tout encadré par des maîtres expérimentés. La possibilité d’un retour dans une classe ordinaire est prévue à la fin de chaque année. Cette nouveauté proposée par l’initiative répond d’une façon réaliste à une situation nouvelle.

En ce qui concerne l’organisation territoriale, pour des motifs d’économie, on favorisera les regroupements intercommunaux et on s’efforcera de placer les élèves ayant le même profil dans le même bâtiment. Dans un autre ordre d’idées, les classes d’enfants de dix ans ou moins pourront subsister même avec moins de quinze élèves, de façon à éviter que leur école ne soit trop éloignée de leur domicile.

En ce qui concerne les enseignants, l’initiative remet à l’honneur leur liberté pédagogique et en particulier leur autonomie méthodologique. Ils ne doivent pas être de simples animateurs de méthodes qui se veulent parfaites et prétendent penser à leur place. En contrepartie, ils seront responsables d’atteindre les objectifs fixés par le Département. De même, l’initiative prévoit qu’ils seront étroitement associés au travail des commissions pédagogiques de branche en ce qui concerne la conception des moyens d’enseignement et la formation des maîtres.

Enfin, pour éviter les réformes discrètes qui déstabilisent en permanence l’Ecole vaudoise, l’initiative demande que le Département informe le Grand Conseil de ses projets de réformes de structures trois ans à l’avance.

Voilà donc la réponse des initiateurs au citoyen qui s’inquiète de la complexité de leur initative. Ce qui en fait l’unité, ce n’est pas la référence à une idéologie ou l’accent porté sur tel ou tel élément, mais l’intention permanente et explicite des auteurs: améliorer d’une façon empirique, en profondeur et sur tous les points l’Ecole vaudoise et son enseignement.

 

NOTES:

1 Cf. La Nation n° 1890 du 4 juin dernier.

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