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Cédric Cossy
La Nation n° 1922 26 août 2011
En matière de démographie vaudoise, une question se pose avec acuité: le développement économique du Canton doit-il avoir la prééminence sur les problèmes d’immigration qu’il ne manquera pas de créer, ou doit-on au contraire adapter la voilure économique au taux d’immigration que les Vaudois arrivent à assimiler? La Nation a choisi le deuxième terme de l’alternative, les autorités semblent pencher pour la première. Quoi qu’il en soit, l’intégration des nouveaux venus sera un point capital pour assurer le développement du Canton.

A quoi ressemblent les immigrés dont le développement économique du Canton a besoin? Appelés à travailler principalement dans le secteur tertiaire, ils disposent d’un niveau d’éducation supérieur, voire universitaire. Ils proviennent majoritairement de pays européens – France, Allemagne, Grande-Bretagne et Espagne notamment – où le nombre de diplômés issus des hautes écoles dépasse les besoins nationaux. Dépités de ne pas trouver d’emplois conformes à leurs ambitions dans leur pays, ils ont, grâce à internet, étendu leur rayon de recherche à l’Europe. Avec son franc fort, la Suisse leur offre d’alléchantes perspectives.

Tous proviennent de marchés du travail plus labiles qu’en Suisse. Le contrat à durée déterminée y est la norme. Corollairement, ils ne voient aucune raison de se lier de manière organique à l’entreprise qui les emploie. Promesse de meilleur salaire ou d’une promotion chez le voisin? On changera d’employeur sans état d’âme ou, au mieux, on marchandera son maintien.

Professionnellement, la pratique de la langue locale est superflue: on s’en sort très bien en baragouinant le corporate language et en écrivant des notes en anglais de cuisine. Le cercle de connaissances et amis se compose d’abord de relations professionnelles, également expatriées. Ensemble, on part à la découverte des merveilles touristiques de la Suisse durant les week-ends, dans des endroits où on trouve toujours une oreille formée à la langue de la pâte à mâcher. Quant aux vacances, elles servent surtout à rendre visite à la famille et aux amis d’enfance restés au pays.

L’épouse ne joue pas forcément de rôle intégrateur. Comme DINK1, le couple a négocié un double emploi avant de débarquer en Suisse. Les enfants étant planifiés pour un avenir non encore déterminé, l’école n’est pas une clé d’entrée pour l’intégration de la famille. Et si enfants il y a, on recherche une école privée internationale, ce qui facilitera la transition scolaire lors de la prochaine relocalisation professionnelle. Tout comme l’école publique, l’Eglise est une institution qui n’intéresse que modérément ces nouveaux immigrés; la pratique religieuse appartient aux souvenirs du pays d’origine.

La volonté d’intégration de ce nouveau type d’immigrés est donc limitée. Il peut repartir d’un jour à l’autre sur un coup de tête, ou être promu dans la filiale de Nankin, Helsinki ou Boston. Comme ce sont des voisins aux moeurs pas trop exotiques, les Vaudois arrivent facilement à les oublier, une fois la curiosité de la nouveauté passée. L’effort d’intégration de ces migrateurs en puissance en vaut-il dès lors la peine? La réponse est positive: ces nouveaux habitants doivent être instruits aux moeurs vaudoises et à la langue locale avant que, directement ou par la voix de leurs employeurs, ils ne se mettent à formuler des exigences pour rester en marge du Pays et de ses institutions.

L’intégration de ces nouveaux venus doit passer par un mélange de résistance et d’accueil. Les Vaudois et leurs autorités doivent d’abord résister à toute demande visant à entretenir les particularités de cette nouvelle communauté. Nous pensons surtout à une défense inconditionnelle du principe de la territorialité des langues: pas d’écoles et autres garderies anglophones, mais, au contraire, promotion, voire imposition de cours de français, qu’ils soient organisés par l’employeur ou par la collectivité. Le volet de l’accueil demandera un effort actif et personnel des Vaudois: chaque collègue étranger mérite conseils et explications sur les institutions et l’histoire vaudoise avec, si affinités, un prolongement des contacts sur le plan privé. Chaque curé ou pasteur se doit de rencontrer systématiquement – et non à la demande – les nouveaux arrivants. Chaque occasion de lier conversation, de recommander la soirée de la fanfare locale, le maraîcher du marché ou la pinte voisine, de demander ou d’offrir un service, de partager un verre au carnotzet etc… sera une petite pierre apportée à l’édifice de l’intégration.

Un tel démarchage n’est pas forcément dans les habitudes des Vaudois. L’intégration des nouvelles forces économiques nécessaires au Canton implique pourtant un lobbying actif de la part de ses habitants.

 

NOTES:

1 Double income, no kids, c’est-à-dire couple sans enfants dont les deux partenaires travaillent.

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