Statistiques vaudoises

Le SCRIS édite chaque année un annuaire statistique pour le Canton de Vaud¹. Depuis la refonte de sa présentation en 2008, ce volumineux ouvrage de 16x24 cm en quadrichromie n’a cessé de s’enrichir, passant de 444 à 510 pages de données et graphiques pour l’édition 2012. Une extrapolation logarithmique permet, soit dit en passant, de prédire les 600 pages pour l’édition 2021. Alors que 79% des résidents vaudois sont connectés à internet, moyen par lequel toutes les données de l’annuaire sont accessibles, on doute que l’édition papier tienne jusque là. Il reste néanmoins agréable de feuilleter l’ouvrage pour piquer quelques données et les mettre en relation.

La population vaudoise a dépassé les 708000 habitants en 2010, ce qui fait de Vaud le troisième canton suisse. L’accroissement au cours de ces trois dernières années est principalement dû à un solde migratoire important. Si l’on considère la population suisse exclusivement, les naissances couvrent bon an mal an les décès et le solde migratoire négatif. L’augmentation du nombre de citoyens suisses repose de fait exclusivement sur les quelque 5000 naturalisations annuelles. Quant à la population étrangère, elle croît d’environ 8000 âmes par an, naturalisations déduites. Cette croissance déséquilibrée explique les 30,5% d’étrangers qu’abritait le Canton en 2010. Si cette évolution se maintient et, tenant compte d’une natalité étrangère plus vigoureuse que celle des autochtones, les étrangers devraient dépasser les Suisses en nombre aux environs de 2060.

Les résidents vaudois de 2010 ont un âge médian de 40 ans. Ils concluent un premier mariage à 30 ans et demi, soit une année plus tard que les couples de l’an 2000. Plus de la moitié (51%) de ces unions se solderont par un divorce intervenant statistiquement au début de leur quarantaine. L’espérance de vie de leurs nouveaux-nés continue de croître pour atteindre 79,6 ans pour les garçons et 84,3 ans pour les filles, ceci sans que le bureau de l’égalité ne se soucie de cette disparité flagrante. De manière plus personnelle, l’épouse du soussigné doit se préparer à un veuvage qui sera statistiquement de neuf ans dès sa 81e année.

Les jeunes vaudois vont de plus en plus longtemps à l’école. Si l’effectif dans l’enseignement obligatoire est resté stable durant les dix dernières années, EVM a eu des effets notables sur l’orientation scolaire: la proportion d’orientation en VSO est inchangée (un tiers), mais on assiste à une inversion des populations en VSG (en baisse) et VSB (en hausse de 32 à 37% des effectifs) au tournant du siècle. Les effets de cette modification se manifestent quelques années plus tard au secondaire II (gymnase et écoles de commerce), dont la fréquentation augmente de plus de 50% sur les dix dernières années et se solde par l’attribution de 2166 maturités en 2010, soit 48% de plus qu’en 2000. Les hautes écoles suivent, avec un tiers d’étudiants en plus sur la même période.

Le nombre d’apprentis affiche une croissance de l’ordre de 38% sur la dernière décennie. Cette observation a priori réjouissante est hélas biaisée par la comptabilisation des candidats à la maturité professionnelle, introduite dès 2002: la préparation de ladite maturité occupe aujourd’hui près de 10% des apprentis (soit 25 à 30% des volées sortantes!) qui vont ainsi quitter leur secteur d’apprentissage pour suivre une haute école ou une HES. Comme le nombre de nouveaux contrats d’apprentissage stagne depuis 2005, on assiste de fait à une diminution du nombre de professionnels avec CFC restant à disposition de l’économie vaudoise à la fin de leur formation!

Les 233 000 emplois (en équivalents plein temps) recensés en 2008 dans le Canton appartiennent pour 77% au secteur tertiaire: c’est la victoire des clercs. Le secteur primaire ne représente plus que 3,3% des emplois. Seules 4148 exploitations agricoles subsistent en 2010, avec près d’une centaine de disparitions annuelles. Dans le même temps on constate une augmentation du nombre d’immatriculations de véhicules agricoles (plus de trois par exploitation en 2010), symptôme d’une mécanisation croissante.

Construction et mécanique sont les moteurs d’une croissance réjouissante enregistrée dans le secteur secondaire: quand le bâtiment va, tout va! La construction progresse lentement, mais inexorablement depuis 1999 et occupe près de 26 000 personnes à mi-2011. Le nombre d’entreprises de la branche croît dans la même proportion.

Un mot enfin sur les finances publiques. L’Etat de Vaud a réussi depuis 2005 à réduire sa dette de près de 80% pour la ramener à 3615 francs par habitants en 2010. Cette réduction s’explique d’une part par une croissance des rentrées fiscales due à la bonne conjoncture, mais aussi par un report de certaines charges sur les communes. Celles-ci n’ont pas pu engranger grand chose de la riante fiscalité de ce dernier lustre, et la dette communale moyenne n’a pu baisser que de 10% pour rester à 6785 francs par habitant, soit plus du double de la dette cantonale. De par sa dette publique totale (Canton + communes), Vaud pointe encore à la quatrième place fédérale: la santé des finances publiques est donc toute relative.

On pourrait dire encore beaucoup de choses sur l’augmentation des coûts sociaux en pleine période de haute conjoncture, sur la seconde place vaudoise au palmarès fédéral de l’interruption volontaire de grossesse ou sur l’évolution des populations de grands tétras chanteurs dans le Jura vaudois, indicateur-clé du développement durable cantonal. La statistique, mais surtout ce qu’on décide ou pas de recenser et comparer, nous en apprennent beaucoup sur les priorités de nos autorités et de leurs administrations.

NOTES:

¹ Annuaire statistique Vaud 2012, 35e édition, Statistique Vaud, Département des finances et des relations extérieures, janvier 2012 (édité avec le soutien de la BCV).