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Grandes heures de l’histoire vaudoise

Yves Gerhard
La Nation n° 2043 29 avril 2016

Deuxième soirée

14 avril: c’était la date de la deuxième série de conférences sur l’histoire vaudoise, organisées par l’Université populaire de Lausanne et la Fondation Marcel Regamey. On n’a pas oublié que, dans la salle même où cette soirée était organisée, à l’Hôtel-de-Ville de Lausanne, avait eu lieu la première séance du Grand Conseil du nouveau Canton, le 14 avril 1803.

Deux brillants historiens nous firent revivre la période du XIVe au XVIe siècle de notre Pays. Claude Berguerand, banquier et historien très érudit1, a traité du sujet «Othon III de Grandson, la fin des grandes dynasties». Othon de Grandson, le troisième du nom, est le fameux chevalier-poète qui dut affronter Girard d’Estavayer en duel, à Bourg-en- Bresse, le 7 août 1397. Reprenant les grandes étapes de l’histoire du Pays de Vaud au Moyen Age, le conférencier montra comment l’arrivée des Savoie, au XIIIe siècle, était déterminée par les grands axes qui le traversent: au col du Grand-Saint- Bernard correspondent, pour passer le Jura, ceux de Jougne et de Sainte- Croix. Les Savoie, d’autre part, mirent en place un appareil administratif qui se substitua au pouvoir des dynastes locaux, dont les familles, précisément, allaient s’éteindre: les Montagny, les Cossonay et les Grandson. Chaque fois, les Savoie reprennent les droits… et les dettes. Pour les deux grandes dynasties des Cossonay et des Grandson, cela se passe juste au tournant des XIVe et XVe siècles. Dans les arbres généalogiques, on constate que les Savoie et les Grandson sont liés par le mariage de Pierre II de Grandson (mort en 1342) et de Marie, sœur de Louis II de Savoie.

Othon III, né entre 1340 et 1350, petit-fils de Pierre II, n’est pas le chef de la dynastie; il est néanmoins seigneur d’Aubonne et de Coppet et acquiert les seigneuries de Grandcour et de Cudrefin. Comme ses célèbres ancêtres, il séjourne souvent en Angleterre et se bat aussi en Prusse. Fait prisonnier à plusieurs reprises, il coûta cher en rançons! Et surtout, il fut poète courtois, le premier écrivain «romand» de langue française.

Amédée VII de Savoie, le Comte Rouge, mourut en 1391 des suites d’un accident de chasse, mais on soupçonna qu’il avait été empoisonné par son médecin Grandville, avec la complicité d’Othon. Ce dernier, faute d’appuis, malaimé des communes réunies lors des Etats de Vaud, dut affronter Girard d’Estavayer en duel et y perdit la vie, pour la grande satisfaction d’Amédée VIII. Les biens de la famille furent répartis, la dynastie s’éteignit.

Le second exposé fut prononcé par le pasteur Dominique Troilo, qui présenta la vie et l’œuvre de Pierre Viret, dont il est un éminent spécialiste2. Né à Orbe en 1509 (plutôt que 1511), donc contemporain de Calvin, Viret ne figure que par un discret bas-relief au Mur des Réformateurs, à Genève. Formé comme prêtre à Paris, où il rencontre Farel et Calvin, il se pénètre des thèses de Luther. De retour au pays en 1531, il se convertit à la Réforme et devient prédicateur itinérant, très zélé, dans le Pays de Vaud et dans la principauté de Neuchâtel; il célèbre le premier baptême réformé à Genève, en 1533 déjà. En 1536, les Bernois conquièrent le Pays de Vaud et la principauté épiscopale de Lausanne, et y imposent la Réforme. A Lausanne, Pierre Viret prêche à l’église Saint-François, mais aussi dans les tavernes et sur les places. Dans cette ville, il est pasteur durant vingt-deux ans, et professeur de théologie (en français) à la nouvelle Académie, avec notamment Théodore de Bèze et Konrad Gessner, première haute école réformée de langue française. Il exige une discipline assez stricte, que peinent à admettre aussi bien les Lausannois que les autorités bernoises. Le conflit aboutit en 1558 au bannissement de Viret qui, avec les professeurs de l’Académie, part à Genève fonder l’Académie de cette ville, puis à Lyon et dans le Languedoc et le Béarn, où il meurt en 1571. «Nul n’est prophète en son pays» dit l’Evangile, «… et pourtant!» ajoute l’orateur au titre de sa conférence. Son œuvre est considérable, quarante traités, 52’000 pages, actuellement en voie de réédition. Les rééditions et les traductions furent nombreuses au XVIe siècle; son influence, majeure. De prophète, il est devenu apôtre. Alors que Calvin est un homme de la Renaissance et de l’époque moderne, Viret est resté, tant par son style que dans sa pensée, un témoin de la fin du Moyen Age. «Tout petit et fluet qu’il était, il fut un grand bonhomme», conclut l’orateur.

La prochaine soirée aura lieu le 12 mai (voir ci dessous).

Notes:

1 On peut recommander Le duel d’Othon de Grandson, La mort d’un chevalier-poète vaudois au Moyen Age, Cahiers lausannois d’histoire médiévale, 45, 2008; et sa contribution au recueil Duel et combat singulier en Suisse romande, De l’Antiquité au XXe siècle, sous la dir. d’Olivier Meuwly et Nicolas Gex, Ed. Cabédita, 2012.

2 Voir son imposant ouvrage: L’œuvre de Pierre Viret, L’activité littéraire du Réformateur mise en lumière, L’Age d’Homme, 2012.

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