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L’automobiliste suisse est-il une «vache à lait»?

Antoine Rochat
La Nation n° 2043 29 avril 2016

L’un des cinq objets des votations fédérales du 5 juin prochain est une initiative populaire intitulée «pour un financement équitable des transports», appelée communément «initiative vache à lait».

Présentation du contexte et de l’initiative

Le 9 février 2014, le peuple et les cantons suisses ont accepté un fonds ferroviaire (FAIF), garanti par une nouvelle disposition de la Constitution fédérale (art. 87 a).

Un fonds routier (FORTA, fonds pour les routes nationales et le trafic d’agglomération), analogue au fonds ferroviaire, est actuellement à l’étude aux Chambres fédérales. Une nouvelle votation populaire sera nécessaire et elle pourrait avoir lieu l’année prochaine.

Entre ces deux projets officiels, l’initiative «vache à lait», lancée par les importateurs d’automobiles et soutenue par les milieux routiers, propose diverses modifications de l’article 86 de la Constitution fédérale (impôt à la consommation sur les carburants et autres redevances sur la circulation).

Actuellement, la moitié des impôts sur les carburants tombe dans la caisse générale de la Confédération, l’autre moitié étant affectée aux tâches routières. L’initiative demande que l’intégralité de ces impôts soit affectée aux projets routiers. L’enjeu financier est de l’ordre d’un milliard et demi de francs par année.

Arguments pour l’initiative

L’augmentation de la population en Suisse induit un développement du trafic (routier et ferroviaire). Sur les routes, la forte hausse des bouchons implique un coût important (économique et écologique notamment). Il faut donc des moyens supplémentaires.

L’initiative permettrait aussi d’améliorer l’état actuel des routes et des autoroutes, ce qui serait favorable à la sécurité routière.

L’initiative demande en outre que l’introduction de nouveaux impôts et taxes à charge de la route, ou l’augmentation des ponctions existantes, soit soumise au référendum populaire, ce qui renforcerait la démocratie directe.

Enfin et surtout, l’initiative assurerait le respect du principe selon lequel l’argent de la route appartient à la route, principe fort peu respecté en l’état actuel1.

Arguments contre l’initiative

Les opposants à l’initiative, qui regroupent un large front de partis et d’organisations, mettent en avant l’argument financier. Le manque à gagner de la caisse générale de la Confédération impliquerait des coupes drastiques dans d’autres secteurs (formation et recherche, agriculture, défense nationale, etc.).

Ils relèvent en outre que les impôts sur les carburants n’ont pas augmenté en valeur réelle depuis les années 1970, mais au contraire baissé, du fait de la non-compensation de l’inflation.

Ils estiment enfin que le principe d’affecter l’argent de la route à la route serait un «privilège fiscal insensé», le peuple et les cantons ayant admis en votation populaire l’affectation actuelle mixte des impôts sur les carburants.

Pour leur part, les cantons craignent une diminution des subventions fédérales ou un report de charges de la part de la Confédération, du fait du manque à gagner.

Notre appréciation

Nous avons relevé plusieurs fois dans ces colonnes l’importance de la complémentarité des transports en général, du rail et de la route en particulier. Chacun de nous, ou presque, se déplace régulièrement en train et en voiture. Le traitement financier des moyens de transports doit donc être équilibré.

L’agenda des différentes votations populaires sur ces questions est malheureux. Dans l’idéal, il aurait fallu voter le même jour sur le fonds ferroviaire et sur le fonds routier. L’initiative «vache à lait» aurait sans doute alors été retirée.

Le principe d’affectation de l’argent de la route à la route nous paraît juste et, à ce titre, l’initiative «pour un financement équitable des transports» va dans le bon sens.

En cas de refus de l’initiative, il est à craindre que le fonds routier (FORTA) soit rejeté dans la foulée. Les milieux automobiles auraient alors perdu sur toute la ligne.

En cas d’acceptation de l’initiative, le projet routier devrait être revu de fond en comble, mais cela ne nous semble pas insurmontable.

Tout bien considéré, nous glisserons un oui sur cet objet dans l’urne, ou plutôt dans l’enveloppe de vote.

Notes:

1 Selon les initiants, l’ensemble des impôts et taxes payés par la route à la Confédération représente 9 milliards de francs par année, dont seuls 36% sont effectivement affectés aux dépenses routières.

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