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Je suis émoticonne

Charlotte Monnier
La Nation n° 2103 17 août 2018

Notre lecteur n’est peut-être pas sans connaître nos fréquentes relations avec l’outil de publication «Facebook». A des fins aussi professionnelles que personnelles, nous nous amusons effectivement souvent à tester notre plume ou notre pouvoir de séduction. Séduction, carrément? Oui. Cessons de nous voiler la face, le but ultime d’un réseau social quel qu’il soit est de séduire. Placere, docere, movere. Nous n’en sommes toujours pas revenus et n’en reviendrons certainement jamais. L’homme aime à se faire un avis sur le monde qui l’entoure pour l’imposer, de façon plus ou moins consciente et avouée, au plus grand nombre autour de lui. Et pour y parvenir, son meilleur allié, sa meilleure stratégie ne portera probablement jamais d’autre nom que celui de séduction.

Voilà déjà une bonne dizaine d’années que Facebook s’est imposé sur le terrain social, politique et, par voie de conséquence directe, également sur celui de nos charismes, égos et susceptibilités personnelles. Avec l’outil Facebook est aussi apparu celui que nous n’avons pas peur de qualifier «d’arme de destruction massive»: nous avons nommé le like. Concrètement, le like est un simple petit pouce bleu levé permettant à son utilisateur de témoigner, en un seul clic, de son approbation ou de sa sympathie pour un certain contenu internet. Toutefois notre expérience en la matière nous a donné envie de dresser une sorte de typologie, qui rendrait compte des différents usages et des différentes intentions que le like permet, en réalité, d’exprimer. Dressons cette typologie.

1   Le like basique, celui qui dit: «cool». Ceux qui l’emploient sont globalement des amateurs de couchers de soleil, de recettes de cuisine ou de chatons courant sur un tapis de fitness.

2   Le like valideur: celui qui dit «j’ai vu, merci, j’ai pris bonne note de cette information».

3   Le like vexé: celui qui dit «j’ai vu, merci, j’ai pris bonne note de cette information».

4   Le like dragueur: généralement systématique, il contient en lui-même un fort pouvoir de passive agressivité.

5   Le like compulsif: celui que l’on regrette après mais qu’on n’ose plus enlever de peur de s’être fait griller entre temps.

6   Le like de soutien: celui que l’on met à ses amis politiciens dont nous ne lisons pas toujours les postes, souvent trop longs et surchargés de références (lien vers la page du politicien critiqué, lien vers l’article incendié, lien vers la page qui s’oppose à l’initiative en question, lien vers la page du parti politique dudit ami, lien vers le prochain événement-marché-récolte de signatures, etc.)

7   Le voyeur: celui que l’on met au commentaire d’un inconnu sans avoir liké au préalable le post original de l’ami connu, lui signalant par là que nous l’avons lu (voir point 2).

8   Le like poli: parce que trouver qu’un bébé, c’est laid, ça ne se dit pas.

9   Le like forcé: parce que l’amour, c’est beau et qu’il faut se réjouir du bonheur des autres (de son ex surtout).

10 Le like intéressé: «Je remets mon appartement à partir du…»

Vous l’aurez compris, le like est porteur de bien plus de significations qu’il n’en a l’air. Tour à tour, il valide, condamne, approuve, sous-entend, insinue, fait comprendre ou encore se venge. Il va même jusqu’à dire quelque chose lorsqu’au contraire, il n’est pas. En effet, le simple fait de ne pas liker une publication, alors que nous avions l’habitude de le faire auparavant, peut lui aussi être porteur d’un message bien précis.

Notez que nous prenons ici délibérément le parti de ne pas traiter la question des récentes déclinaisons du like en «J’adore», «Grrr», «Snif», «Wouhaou». Ils ne nous apparaissent pas comme un apport essentiel à l’élaboration de notre typologie puisque leur intention est, par leur nature même, explicite.

Enfin, force nous est de conclure cette typologie par un constat des plus académiques: le like – de même que toute autre forme d’émotion ou d’intention typographiquement transmise – peut nous rendre parfaitement cinglé. Il convient donc d’en user avec parcimonie et d’appliquer sans modération l’un des quatre accords si fabuleusement toltèques, qui nous invite à «ne rien prendre personnellement». Il est également recommandé de ne pas confondre le like avec un baromètre affectif, sous peine de virer parfaitement émoticon•nne•s.

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