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Le référendum obligatoire pour les traités

Jean-François Cavin
La Nation n° 2105 14 septembre 2018

A la suite d’une motion Caroni déposée en 2015, le Conseil fédéral met en consultation un projet de novelle constitutionnelle relative au référendum obligatoire en matière de traités internationaux.

Aujourd’hui, le référendum obligatoire est expressément prévu pour l’adhésion à des communautés supranationales ou à des organisations de sécurité collective. De plus, une partie de la doctrine, invoquant un droit constitutionnel non écrit, estime qu’un traité doit être soumis au peuple et aux cantons lorsque son importance l’élève au rang d’une norme constitutionnelle. Le Conseil fédéral, suivi par les Chambres, est allé dans ce sens en soumettant l’accord sur l’Espace économique européen au référendum obligatoire (alors que l’EEE, selon ces autorités, n’était pas une «communauté supranationale»), à cause de son importance politique et parce qu’il entraînait nécessairement une adaptation de notre droit constitutionnel. Mais c’est le seul cas d’application de cette norme non écrite, bien que certains aient aussi prétendu la faire valoir en d’autres circonstances, notamment lors de l’adoption des accords de Schengen et de Dublin.

La situation juridique n’est donc pas très claire. A plusieurs reprises, le Conseil fédéral ou des parlementaires ont eu des velléités de la régler formellement, sans aller jusqu’au bout du travail. Voici maintenant une nouvelle tentative.

Le texte proposé par le Conseil fédéral ajoute aux cas de référendums obligatoires existants celui des traités internationaux dont la mise en œuvre exige une modification de la Constitution ou qui comportent des dispositions de rang constitutionnel dans l’un des domaines suivants :

1. le catalogue des droits fondamentaux, la nationalité suisse, les droits de cité ou les droits politiques ;

2. les rapports entre la Confédération et les cantons ou les compétences de la Confédération ;

3. le régime des finances ;

4. l’organisation ou les compétences des autorités fédérales.

Ce projet précise la situation juridique, non seulement sur le principe du référendum obligatoire, mais aussi quant aux cas qui sont «de rang constitutionnel»: énumération nécessaire car, formellement, tout peut être fourré dans la Constitution: la protection du noisetier commun comme le subventionnement des manuels d’éducation sexuelle. Le texte proposé nous ramène à l’essentiel et l’on y voit avec satisfaction que la structure fédéraliste et la compétence générale des cantons ne sont pas oubliées. On pourrait craindre, théoriquement, que l’actuelle exigence non écrite (donc extensible un peu à volonté…) du référendum obligatoire pour les sujets d’importance soit limitée par une énumération expresse des domaines concernés; mais cette crainte nous semble d’autant moins fondée que les autorités ont été très restrictives dans leur pratique et que, au demeurant, le référendum facultatif subsiste dans de nombreux cas.

D’aucuns regretteront peut-être que le référendum obligatoire ne soit pas prévu pour les traités entraînant une profonde modification de la politique extérieure de la Suisse, comme cela a été parfois envisagé. Mais la formule resterait vague et d’application peu sûre. Même la mention de la politique de neutralité, fondamentale mais nullement citée dans la Constitution – ce qui présente l’avantage de la placer hors d’atteinte du droit positif – poserait problème: quelle neutralité, au-delà de la neutralité militaire? La neutralité diplomatique? La neutralité économique? La neutralité humanitaire? On risquerait de tomber dans des débats sans fin et de mettre la neutralité en constante discussion sur la place publique.

L’adjonction à la Constitution proposée par le Conseil fédéral ne constitue pas un contreprojet à l’initiative de l’UDC sur la primauté du droit national. D’abord, elle est encore dans les limbes alors qu’on votera cet automne sur le texte de l’UDC. Ensuite, elle ne traite pas du même sujet, même si un rapport existe: l’initiative prohibe la conclusion de traités contraires à la Constitution; si elle est acceptée, la novelle proposée par le Conseil fédéral n’aura plus d’objet… à moins qu’elle serve à «verrouiller» le système si un traité inconstitutionnel venait tout de même à être conclu!

La proposition mise en consultation par le Conseil fédéral mérite un bon accueil.

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