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Occident express 42

David Laufer
La Nation n° 2134 25 octobre 2019

A Belgrade, en général, on ne se sent pas vraiment concerné par ce qui advient d’un emballage de sandwich une fois qu’il s’est envolé par la fenêtre de la voiture. On chauffe encore au bois, ou au charbon. Le tri des ordures n’est encore qu’un sport d’élite, pratiqué par les segments les plus éduqués – on dit conscientisés aujourd’hui – de la population. Pour le reste, le tapis roulant de la nature s’en charge, comme par magie. La scintillante propreté des trottoirs suisses ou allemands, les décharges publiques qui ressemblent de plus en plus à des jardins municipaux, tout cela renforce la certitude qu’à l’est du Danube règne l’enfer pollué d’une consommation désordonnée, mais que sur son autre rive, c’est l’Éden, le mariage parfait entre civilisation et nature. Or c’est le printemps. En cette saison, un voyage en voiture de Belgrade à Lausanne se révèle instructif. De Belgrade à Zagreb on parcourt quatre cents kilomètres le long de la Save, à travers la Slavonie. En arrivant dans la capitale croate, il est parfois nécessaire de faire un passage au lavauto: ma plaque d’immatriculation, un soir de mai, était à ce point recouverte de cadavres de moustiques qu’elle en était devenue illisible. Pour les mille kilomètres suivants, vous pouvez être tranquilles. Les millions de tonnes de pesticides qu’on balance dans les champs de l’UE et de la Suisse vous garantissent une belle économie de lave-vitre. Hors saison, à Belgrade, vous pourrez chercher longtemps des fraises, des artichauts ou même des tomates. Ces absences, on ne les tolère plus dans un supermarché occidental où la notion de saison a été oblitérée. Un coup d’œil aux bennes à ordures suffit pour constater que le gaspillage de nourriture, en Serbie, n’est pas encore dans les mœurs. Et que si les usines de traitement des déchets manquent cruellement, des brigades organisées de Roms parcourent les rues en tous sens, toute l’année, et recyclent le carton, le métal, le verre, l’aluminium ou les habits. On peut être aussi conscientisé qu’on le veut, on peut trier ses ordures avec la dernière énergie, chauffer sa maison à la pompe à chaleur, refuser d’acheter des pommes pas bios ou des jeans fabriqués en Chine. N’est jamais plus propre et moins polluant, au final, que celui qui, par choix ou par nécessité, consomme moins et fonctionne encore largement en-dehors des règles du marché mondialisé. L’écologie, en réalité, est un luxe, le seul peut-être que les riches peuvent envier aux pauvres.

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