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Un discours d’Elisabeth II

Félicien Monnier
La Nation n° 2146 10 avril 2020

Dimanche 5 avril dernier à 20 heures, la reine Elisabeth II s’est adressée à ses peuples sur les ondes de la BBC.

Pour la quatrième fois de son règne, elle s’est exprimée à un autre moment que lors de sa traditionnelle intervention de Noël, ou lors de l’ouverture de la session parlementaire. Les précédents cas avaient été l’éclatement de la Guerre du Golfe de 1991, le décès de la princesse Diana en 1997 et celui de la Reine-mère en 2002.

Comme l’a relevé le Times, le discours du 5 avril contient une dimension à la fois pratique et politique. Sans surprise, la Reine a relayé et répété le message du gouvernement: «Stay home!» Mais avec un art qu’elle semble avoir encore amélioré au fil des ans, elle a pris de la hauteur pour délivrer un message véritablement politique, mêlant identité collective et destin national:

« J’espère que dans les années à venir, chacun sera capable de retirer de la fierté de la manière qu’il aura eu de relever le défi. Et que ceux qui viendront après nous diront que les Britanniques de cette génération ont été aussi forts que ceux de n’importe quelle autre génération. Que nos traits de caractère emblématiques d’auto-discipline, de détermination empreinte de bonne humeur et de sympathie continuent de symboliser ce pays. La fierté d’être qui nous sommes ne définit pas notre passé, mais notre présent et notre futur. »1

Partant du caractère national britannique, elle passe outre son attribution aux seuls individus et voit dans les applaudissements nocturnes et les milliers de dessins d’arcs-en-ciel collés aux fenêtres par les enfants anglais enfermés chez eux une marque et un symbole de ce «national spirit».

En temps de crise, la tradition acquiert plus que jamais une fonction rassurante. Les membres des régiments séculaires savent combien leurs traditions aident à supporter la mort des camarades et conjurer la peur du combat. Et l’hospitalisation de Boris Johnson le soir même du discours, alors que le Royaume-Uni approche les 5’000 morts, n’était pas précisément là pour rassurer.

Les Anglais auraient été déçus si la Reine n’avait pas jeté dans la balance sa propre expérience. Elle se devait d’évoquer le «Wartime», la Deuxième Guerre mondiale. Qu’Elisabeth ait vécu cette période contribue en grande partie à l’immense autorité que lui accordent les Anglais, à en croire le correspondant politique de la BBC. Ce confinement est pour beaucoup l’occasion d’une séparation douloureuse d’avec leurs proches. «Cela me rappelle la toute première intervention radiophonique que je fis en 1940, aidée par ma sœur», dit-elle calmement du haut de ses 94 ans. Les princesses Elisabeth et Margaret s’étaient alors adressées aux enfants britanniques évacués, pour certains outre-mer, et séparés de leurs parents.

La mémoire de la guerre n’apparaît qu’en filigrane, centrée sur le souvenir des séparations. Le ton churchillien peut être laissé à Boris Johnson qui l’affectionne tant. Le souvenir du Blitz sert autant à mettre en perspective qu’à encourager. Nous avons peut-être déjà vu pire, affirme la Reine en substance, mais rien n’est gagné, et pour triompher nous devons faire appel à ce qui fait notre identité. Alors seulement nous serons à la hauteur des générations qui nous ont précédés.

La consigne est exigeante. Mais «les jours meilleurs reviendront: nous retrouverons nos amis; nous retrouverons nos familles; nous nous retrouverons»2. Le double sens fait mouche. La monarchie n’est pas près de disparaître.

Notes

1  «I hope in the years to come everyone will be able to take pride in how they responded to this challenge. And those who come after us will say the Britons of this generation were as strong as any. That the attributes of self-discipline, of quiet good-humoured resolve and of fellow-feeling still characterise this country. The pride in who we are is not a part of our past, it defines our present and our future.»

2  «[…] better days will return: we will be with our friends again; we will be with our families again; we will meet again.»

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