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Sujets insignifiants et expériences enrichissantes

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 2239 3 novembre 2023

Quand on a pour mission de livrer des chroniques régulières, il y a des jours où on se gratte la tête pour trouver des sujets qui vaillent la peine d’être abordés. Des sujets qu’on puisse traiter avec légèreté, mais qui possèdent tout de même un minimum de substance et d’intérêt…

Il y a aussi des jours où on se demande si de telles précautions sont bien utiles et si des sujets insignifiants ne feraient pas tout aussi bien l’affaire. C’est ce qui nous vient à l’esprit lorsqu’on apprend qu’un grand groupe commercial a réalisé une enquête pour connaître les préférences de la population entre les messages écrits et les messages vocaux. Les résultats indiquent que 77% des Suisses préfèrent les messages écrits, contre 58% des Autrichiens et 55% des Allemands. Les Italiens en revanche privilégient les messages vocaux à 46%, de même que les Français à 42% – mais avec des critiques sur le fait de devoir les réécouter plus d’une fois, ou parce que certains sont trop longs. Quel est l’intérêt de savoir cela, dès lors que les deux options sont de toute façon disponibles?

A moins qu’il ne s’agisse d’un dossier de candidature (peu convaincant) pour un prix Ig-Nobel – ce prix qui récompense des recherches scientifiques particulièrement loufoques.

On pourrait trouver mieux, et plus drôle. Par exemple, déterminer quelle direction indiquent majoritairement des cure-dents retombés au sol après avoir été lancés en l’air. Ou quantifier la répartition inégale des poussières sur les verres de gauche ou de droite de nos lunettes. Ou encore analyser une éventuelle corrélation entre le fait d’être droitier ou gaucher et le choix de la première chaussette qu’on enfile le matin, en vérifiant bien sûr si les ambidextres sont capables d’enfiler leurs deux chaussettes en même temps.

Toutes ces recherches, ces enquêtes, ces statistiques pourraient finalement alimenter le présent coin de page, faisant rire le lecteur à moindre frais pour l’auteur. Et à une époque où l’on accorde davantage de confiance à la science qu’à la littérature, ces expériences éminemment scientifiques bénéficieraient peut-être de subventions publiques et universitaires (ce qui n’est jamais le cas de nos chroniques habituelles). Il s’agirait alors d’expériences enrichissantes.

En attendant, il faudra songer à diffuser notre chronique sous forme écrite et vocale, si l’on veut être sûr qu’elle soit universellement appréciée.

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