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Aux nouveaux lecteurs

Félicien MonnierEditorial
La Nation n° 2244 12 janvier 2024

Pour Noël, d’aucuns ont reçu un abonnement à La Nation. S’ils lisent ces quelques lignes, c’est probablement qu’ils tiennent entre les mains cette grande feuille verte et blanche qui fait notre bimensuel. Qu’ils me permettent ces quelques mots de bienvenue.

En 2014, lors d’une refonte de notre ligne graphique à l’occasion du deux-millième numéro, nous avions réfléchi à développer une véritable offre numérique. Nous y renonçâmes par attachement à la matérialité du monde, soupçonnant que les forces invisibles de la «tech’» s’attelaient à la grignoter.

Etre de chair et de sang, l’homme occupe physiquement l’espace. Il en va de même avec La Nation. Bien avant que de transmettre une doctrine, ce journal est d’abord d’encre et de papier. Il est un assemblage de matière organisé par la main de l’homme. Ce façonnage, les rédacteurs ne peuvent le mener à chef sans le concours de l’imprimeur. La production d’un journal est un collier d’efforts individuels fournis au sein d’un groupe poursuivant un même objectif. Cette finalité est aussi simple qu’ambitieuse: la livraison dans vos boîtes à lettres d’un objet beau et bon depuis 1931, chaque mois d’abord puis toutes les deux semaines.

Ce but se situe à l’extérieur de nous-même. Ce qui n’empêche pas qu’il mette en lumière les personnalités qui y contribuent: les styles, en recherche ou affermis, reflètent des tempéraments; les sujets traités révèlent des inclinations et rappellent des parcours ou des préoccupations plus ou moins momentanées.

Pourtant, un journal – qui plus est un organe d’opinion (au singulier!) comme le nôtre – ne saurait se contenter de refléter l’esprit individuel de chacun de ses auteurs. Il poursuit une ligne et affirme une doctrine qu’il éprouve au fil de l’actualité. Il s’adosse à un mouvement politique, au sens propre d’une activité foisonnante qui cherche à façonner le Pays à l’image de ses convictions. Tout engagement personnel poursuit un but. Pour être porteur, ce but doit ultimement se situer à l’extérieur de ceux qui le poursuivent.

A l’espace que l’homme occupe physiquement, l’histoire et la géographie ont de concert donné des institutions et des mœurs. Ces dernières jouent au niveau personnel et mental le rôle qu’endossent les institutions pour le fonctionnement de l’Etat. L’unité d’une communauté sera d’autant plus grande que ses institutions seront en adéquation avec ces mœurs qui caractérisent les habitudes quotidiennes d’une population. Collectivement partagées, les mœurs tendent alors à se confondre avec les institutions.

En politique, la Ligue vaudoise accorde donc au fonctionnement des institutions une même importance qu’à l’attitude individuelle face aux choses. Cela exige de nos rédacteurs une aptitude au décentrement. C’est-à-dire à ne pas se considérer comme à la fois le centre et la solution du problème abordé. Peut-être aucune autre attitude n’est-elle aussi peu moderne.

Très directement, nos attitudes personnelles déterminent les rapports que nous entretenons avec nos concitoyens. En bonne continuité, les institutions sont autant l’expression des liens interpersonnels entre les citoyens qu’un moyen d’agir directement sur eux. Mises en œuvre par des décisions officielles, voire seulement par la seule éventualité d’une telle décision, les institutions marqueront nos relations familiales, sociales ou professionnelles; parfois profondément et de manière définitive.

Une décision administrative ou judiciaire absurde, c’est-à-dire en décalage avec la vraie nature des choses ou la véritable nécessité de régler un prétendu problème, nous sera incompréhensible. Cette incompréhension portera atteinte à la légitimité des institutions et développera le sentiment d’injustice. Lutter contre cette incompréhension, ou contre sa possibilité, est l’un des enjeux centraux de la politique.

Au début de notre retraite annuelle du Camp de Valeyres, nous rappelons aux jeunes participants qu’hors des villes on salue les personnes que l’on croise, fussent-elles inconnues. La politesse, les principes du dialogue, le droit de la propriété, l’obligation de servir puis l’organisation de l’Etat s’enchaînent pour tenir en équilibre sur une même corde moralo-institutionnelle. Cette ligne encadre la société vaudoise et conjure les coups de boutoir sans fin du désordre. Les nuances de son unité, toujours perfectible, déterminent notre degré de civilisation.

Le journal que vous tenez entre les mains a la prétention d’y ajouter une brique.

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