Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

L'initiative Boussole-Europe

Félicien MonnierEditorial
La Nation n° 2264 18 octobre 2024

Après l’échec d’une première mouture de l’accord-cadre, le Conseil fédéral a annoncé il y a un an la fin de la phase exploratoire de ses discussions avec l’Union européenne.

Le 2 février 2024, la Conférence des gouvernements cantonaux, à l’unanimité moins les voix de Schwytz et Nidwald, a accepté les grandes lignes du rapport du Conseil fédéral. Si les cantons saluèrent avec insistance la reprise des négociations, ils émirent des réserves à propos des futurs accords sur l’énergie, la santé et les aides d’Etat, suspectés d’attenter aux souverainetés cantonales. Puisse cette vigilance fédéraliste rester de mise.

Dans la foulée s’éleva un débat sur l’opportunité de soumettre ce futur paquet d’accords à la double majorité du peuple et des cantons. Nous nous déclarâmes partisans d’un tel vote1, bien que la Constitution fédérale ne l’impose pas. Ces accords n’impliquent en effet pas une adhésion de la Suisse à l’Union. C’est oublier la dynamique d’intégration progressive de fait – entamée il y a trente ans à la suite du refus de l’Espace économique européen (EEE) – dans laquelle ils s’inscrivent.

La Confédération a conclu l’Accord sur la libre circulation (ALCP) des personnes avec l’Union européenne le 21 juin 1999. Sa «clause guillotine» prévoit qu’une résiliation de l’accord provoque automatiquement la résiliation des sept autres accords formant ce que l’on appelle communément «les bilatérales I».

Cette prééminence accordée à la libre circulation des personnes démontrait la nature politique de nos relations avec l’Union, et non pas seulement économique. Interchangeable et mobile, le travailleur européen symbolise une Europe de citoyens culturellement homogènes. L’arc lémanique subit cette homogénéisation au quotidien.

L’adhésion aux accords de Schengen et de Dublin en 2008 marqua une autre étape: l’adhésion à un mécanisme de reprise automatique du droit, également sanctionné par une «clause guillotine». Autrement-dit, en cas de refus de la Suisse de reprendre l’une de ses évolutions, l’entier de l’accord tombe. Il arriva que nous combattions par référendum certaines de ces dernières. Ainsi en 2019 de la reprise de la directive sur les armes à feu. Durant toute la campagne, le Conseil fédéral fit du chantage à la résiliation de l’accord.

La pente de l’intégration devient de plus en plus raide. Les mécanismes institutionnels du paquet d’accords seraient un pas de plus. Cela nous fait courir le risque d’une dissonance cognitive entre les attentes de Bruxelles et la perception, par les Suisses, de leur marge de manœuvre.

D’une part, les technocrates de la Commission européenne s’arrêteront au nombre des directives que la Confédération aura transposées en droit suisse pour conclure que nous nous rapprochons de l’Union. Parce que c’est volontairement qu’ils cèdent au chantage à la résiliation, comme ce fut le cas avec l’initiative pour la sortie de l’ALCP en 2020, le peuple et les cantons se penseront d’autre part encore protégés par la démocratie directe.

Les outils constitutionnels actuels nous paraissent au contraire insuffisants pour contrer une telle évolution.

Soumettre les bilatérales III (ou l’accord-cadre II, selon la polémique lancée non sans raison par la Weltwoche) à la double-majorité permettrait de prendre acte de ce processus d’intégration au long cours et de le refuser si nécessaire. En faisant participer à la décision le pouvoir constituant – peuple et cantons – nous reconnaîtrions du même coup que cette dynamique a une tournure politique et institutionnelle, certes plus insaisissable qu’une adhésion pure et simple, mais non moins réelle.

La Ligue vaudoise soutient donc le récent lancement, par un groupe d’entrepreneurs alémaniques, de l’initiative populaire «Boussole-Europe (Kompass-Europa)». Elle demande que les accords internationaux prévoyant «la reprise de dispositions importantes fixant des règles de droit» soient soumis au référendum obligatoire du peuple et des cantons. Contrairement à l’initiative sur les juges étrangers, l’initiative Boussole ne prévoit pas de clause de rétroactivité, source de trop d’incertitudes. Cela est heureux.

La tournure actuelle du paquet d’accords imposerait un vote à cette nouvelle double majorité. L’initiative exige prudemment qu’un accord-cadre, ou un accord comparable, avec l’UE soit dans tous les cas soumis à la double majorité. La récolte devra aller vite. N’offrons pas au Conseil fédéral la tentation de jouer la montre.

Le présent numéro contient une feuille de signatures.

Notes:

1      «Double-majorité pour les bilatérales III», La Nation du 23 février 2024,
n° 2247.

Cet article est disponible en version audio (podcast) au moyen du lecteur ci-dessous:

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: