Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

UE: des négociations inabouties

Olivier Klunge
La Nation n° 2270 10 janvier 2025

Le vendredi 20 décembre dernier, le Conseil fédéral «a pris acte avec satisfaction de l’achèvement matériel des négociations entre la Suisse et l’Union européenne (UE)». Il s’agit en fait d’une vaste opération de communication juste avant la pause des confiseurs pour donner à la population helvétique l’image d’un gouvernement qui prétend avoir réussi à «stabiliser et développer la voie bilatérale».

En réalité, il ne s’agit que d’une «étape majeure vers la conclusion formelle des négociations, prévue pour le printemps prochain». Rien n’a été conclu. On nous annonce déjà que le peuple (et les Cantons, espérons-le)1 ne se prononceront certainement pas avant 2028, mais quatre fois, peut-être pour rendre la potion plus digeste. D’ailleurs, notre gouvernement reste fort vague sur les résultats obtenus: douze fiches thématiques de quelques pages, alors que l’on parle d’adapter au moins une centaine de lois fédérales.

Ce que le Conseil fédéral veut bien nous dire est cependant déjà inquiétant. Le tarif est connu, ce sera 3,1 milliards de francs (ici, l’UE semble accepter la devise suisse plutôt que la sienne…) sur les douze prochaines années, à renégocier pour la suite, au titre de «contribution de solidarité». Si l’interdiction des aides d’Etat semble être circonscrite dans les trois domaines du transport aérien, des transports terrestres et de l’électricité, le sort des banques cantonales n’est pas expressément garanti. Des protections pour l’agriculture et l’adaptation du salaire du personnel détaché au niveau suisse, ainsi que la limitation de l’accès au système social suisse aux européens travaillant ou ayant travaillé au moins cinq ans en Suisse, semblent aussi avoir été obtenues.

Pour la libre circulation des personnes, le Conseil fédéral se félicite d’avoir négocié l’intégration d’une nouvelle clause de sauvegarde permettant de restreindre l’immigration européenne «en cas de difficultés sérieuses d’ordre économique ou social», car «la Suisse peut [l’] activer seule». Pourtant, on lit dans la fiche d’information que «si la Suisse veut invoquer la clause de sauvegarde, elle s’adresse d’abord au Comité mixte CH-EU. Si la Suisse et l’UE ne parviennent pas à un accord au sein de ce comité, la Suisse peut convoquer un tribunal arbitral. Ce dernier examine si les conditions pour des mesures de protection sont réunies. En cas de décision positive, la Suisse peut prendre des mesures de protection. L’UE pourrait alors, en réaction, prendre des mesures compensatoires dans le cadre de l’ALCP, mais ces mesures devraient être proportionnées.»

Si nous comprenons bien, la Confédération peut décider qu’elle aimerait appliquer une clause de sauvegarde et saisir le Comité mixte. Si l’UE est d’accord, c’est bon; sinon, la Suisse peut demander au Tribunal arbitral de décider de l’opportunité de limi ter l’immigration en Suisse. Pour ce faire, le Tribunal devra appliquer le droit de la libre circulation des personnes, selon l’interprétation contraignante de la Cour de Justice de l’UE (CJUE). Si le Tribunal juge que les conditions ne sont pas réunies, la Suisse doit abandonner; s’il juge que les conditions sont remplies, la Suisse peut restreindre l’immigration sur son territoire. Cependant, même dans ce cas, l’UE a le droit de prendre des mesures de rétorsion.

C’est pour nous un mystère qu’un accord international puisse permettre de juger une mesure licite et en même temps ouvrir la voie à des mesures compensatoires.

Une autre problématique essentielle de cet accord entre la Suisse et l’Union européenne est la question de la reprise des développements du droit communautaire. Nous y reviendrons dans un prochain article.

Notes:

1   Selon l’exigence de l’Initiative Boussole, dont la récolte de signatures est en cours: https://kompasseuropa.ch/fr/initiative-boussole/.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*



 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: