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Un aspect des relations entre le christianisme et l’écologie

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1810 11 mai 2007
La pensée écologique a le vent en poupe et certains chrétiens imaginent s’attirer les bonnes grâces des Verts en leur prouvant par d’innombrables citations que la Bible et l’Eglise donnent une large place aux animaux: l’ânesse si éloquente de Balaam, l’ânon du Christ, la réconciliation du lion et de l’agneau, saint François d’Assise frère des oiseaux et du soleil. Pourquoi pas? Mais là n’est pas l’essentiel. Ce qui pose un problème de fond aux écologistes, c’est le rôle premier que la Bible assigne à l’homme par rapport à la nature en général et à l’animal en particulier. Ils y voient une marque d’orgueil, et aussi une menace mortelle pour la nature tout entière… y compris l’humanité.

De fait, selon l’Ancien Testament, l’homme est au sommet de la Création. Il fait dès l’origine l’objet d’une attention particulière de Dieu, qui le crée séparément des autres êtres, et à son image. Dieu confie la terre à l’homme pour qu’il la cultive. «Tu l’as créé à peine inférieur à un dieu!», dit le psalmiste. Cette conception est aux antipodes des religions animistes ou chamanistes, ou des croyances des Indiens d’Amérique du Nord, par exemple, où l’homme est à peine supérieur à un animal.

Dans une perspective chrétienne complète, le rôle directeur que la Bible donne à l’homme n’est pas celui d’un monarque absolu mais celui d’un mandataire. L’homme doit rendre des comptes. En d’autres termes, la place éminente de l’homme par rapport au monde est équilibrée par sa subordination à Celui qui a créé ce monde. Dès lors, la maîtrise du monde par l’homme n’a pas sa fin en elle-même. Elle est ordonnée aux finalités posées par Dieu lui-même. Mutatis mutandis, ces remarques valent aussi pour le judaïsme.

Face à la nature, le chrétien a une position modérée. Pour lui, elle n’est ni divine, comme elle peut l’être dans les religions animistes, ni vide. D’une certaine façon, Dieu habite au coeur des choses et des êtres créés. Cette présence intime les maintient dans l’existence. Une voie moyenne s’impose donc. La nature n’étant pas divine, vouloir la maîtriser par le recours aux techniques n’est pas sacrilège. Néanmoins, le chrétien doit se contraindre à respecter les choses qu’il maîtrise, à les considérer comme des parties à la fois autonomes et interdépendantes d’une Création reconnue «bonne». Ainsi, l’équilibre est sauvegardé.

En revanche, quand Dieu disparaît de l’organigramme, quand le gérant devient le chef à la place du Chef, quand la créature prétend à la place du Créateur, alors les craintes des écologistes trouvent quelque justification. L’homme se transforme en un démiurge prétendant à la maîtrise totale du monde, qui se juge capable d’éradiquer le mal et se donne le droit de changer non seulement l’ordre des choses, mais l’ordre interne de chaque chose. A ses yeux, le monde n’est plus qu’une étendue désertée par Dieu, neutre et désenchantée, parsemée d’objets à son entière discrétion. Le souci de l’unité du monde, de l’autonomie et de l’interdépendance des êtres qui le peuplent disparaît au profit de progrès sectoriels démesurés, désordonnés et parfois contradictoires.

La technocratie ne pouvait naître que dans une société chrétienne, c’est vrai. Mais il s’agit d’une dérive, non d’une expression spécifique du christianisme. C’est en quelque sorte l’ampleur même de la vision chrétienne qui rend si catastrophiques les conséquences des insuffisances des chrétiens.

Le chrétien trouve un enseignement et un avertissement utiles dans la réaction écologique face à la technique triomphante. Mais il doit craindre tout autant que le réenchantement du monde souhaité par les écologistes ne débouche sur une mise à l’écart de la transcendance divine et conséquemment sur une dévalorisation proportionnelle de l’humain.

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