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La démocratie est-elle réformable?

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1812 8 juin 2007
Ils n’en veulent à aucun prix. «La Parole aux Communes» a déclenché un prurit argumentatif délirant chez un certain nombre de politiciens vaudois. Ils ont parlé de «pseudo-démocratie perverse», de «blocage complet des institutions», de «confiscation du pouvoir», de «prise de la population en otage». L’un d’entre eux a même évoqué un parlement que le nouveau référendum condamnerait à siéger dans «la terreur». S’agissant d’une légère et très précise extension du droit de référendum, tout homme de bon sens se rend immédiatement compte que ces terreurs sont feintes (1).

Mais il est vrai qu’elles en camouflent d’autres, bien réelles, profondes et largement répandues quoique moins avouables. Ce qui terrorise assurément nos gouvernants et nos «représentants», unis dans un bétonnage en règle de l’état actuel des choses, c’est qu’un contrôle populaire puisse mettre en question leur compétence universelle, qu’il ne les contraigne à réexaminer l’une ou l’autre de leurs décisions merveilleuses, en un mot, qu’un peuple ignare ne porte atteinte à un pouvoir conquis de haute lutte électorale. Quand ils évoquent avec des trémolos dans la voix les menaces qui planent sur la démocratie, ils n’expriment pas leur souci du bien commun, mais les révulsions de leur majesté collective bafouée.

Ce n’est pas que les institutions démocratiques soient fermées aux réformes. Mais elles ne se réforment que pour s’enfler. Elles sont toujours ouvertes à toute forme d’augmentation du nombre des électeurs, par exemple. Une proposition d’accorder le droit de vote aux étrangers ou d’abaisser la majorité civique à seize ans est certaine de recevoir une approbation quasi automatique. La masse électorale est la matière première de tout acteur démocratique: plus il y en a, mieux c’est. Cette acceptation est d’ailleurs dans la logique du système. Un parti qui s’oppose à l’extension du droit de vote à une certaine catégorie de la population risque de se trouver dramatiquement privé des suffrages de celle-ci, une fois ce droit attribué.

De même, le monde politique officiel – avec certes de notables exceptions personnelles –, soutient toute modification du système qui accroît son propre pouvoir et particulièrement son autonomie par rapport à la société. C’est ainsi que l’évolution du système conduit naturellement en direction d’une professionnalisation, c’est-à-dire d’une stabilisation du parlement. C’est le cas avec l’augmentation des indemnités, qui se transforment insensiblement en mini-salaire. Le remplacement de sessions du Grand Conseil bien délimitées par une sorte de session permanente entrecoupée de haltes va lui aussi dans le sens du parlement à plein temps.

Pour dire les choses en une phrase, l’officialité est d’abord un groupe social jaloux de ses prérogatives. C’est une caste divisée quant au bien commun, mais unie contre ceux qui mettent en question son exclusivité dans ce domaine. Elle approuve tout ce qui augmente sa clientèle électorale et tout ce qui la protège contre cette dernière. En ce sens, le référendum, même populaire, est l’animal à abattre. Proposer comme nous le faisons d’en étendre la portée est blasphématoire. Ceux qui luttent pour «La Parole aux Communes» vont contre le mouvement naturel du régime. Cela ne signifie pas qu’ils ont tort, ni qu’ils ne peuvent gagner le 17 juin.


NOTES:

1) M. le conseiller d’Etat Jean-Claude Mermoud a pris la plume le mercredi 6 juin dans 24 heures pour faire, en prenant des allures de vieux sage, la synthèse de ces inepties.

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