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Aménagement du territoire: une révision inconséquente, technocratique et pernicieuse

Olivier Klunge
La Nation n° 1960 8 février 2013

La révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) sur laquelle les Suisses voteront le 3 mars est inutilement centralisatrice. Nous l’avons plusieurs fois dit dans nos colonnes. Cet article vise à présenter d’autres défauts majeurs de cette révision préparée dans la hâte par un parlement fédéral obnubilé par la menace d’une initiative «pour le paysage».

Cette révision est inconséquente. Parmi d’autres louables et vertueux principes, elle vise à «orienter le développement de l’urbanisation à l’intérieur du milieu bâti, sans réduire la qualité de l’habitat» et à «créer un milieu bâti compact». Cependant, elle n’abolit pas un autre but déjà fixé par le troisième article de la LAT qui veut «ménager dans le milieu bâti de nombreux aires de verdure et espaces plantés d’arbres».

Si l’on doit densifier les villes sans toucher à la qualité de vie, ni aux monuments (plus ou moins) historiques, ni aux arbres et arbustes, où construire? Sur les friches industrielles, certes. Mais n’oublions pas que ces espaces ne deviennent des friches que lorsque les industries qui les occupaient ont soit mis la clé sous le paillasson (ce qui ne peut être un but de l’aménagement du territoire, sauf pour quelques écologistes intégristes) soit trouvé un champ sur lequel construire une nouvelle usine.

La révision proposée par le parlement est technocratique. Si elle paraît ne pas toucher aux compétences des cantons, elle prévoit au détour d’un alinéa que «la Confédération et les cantons élaborent ensemble des directives techniques pour le classement de terrains en zone à bâtir, notamment pour la manière de calculer le besoin de telles zones».

Le citoyen n’y voit pas le mal. Pourtant, le subtil juriste du DETEC signifie par là, d’une part, que la surface, l’emplacement et la répartition des zones à bâtir sera décidée par les aménagistes des administrations, sans que les parlements ou les citoyens ne puissent se prononcer puisqu’il s’agit de «directives techniques» et non de loi. D’autre part, l’administration fédérale décidera ce qu’elle veut après avoir choisi parmi les avis des services cantonaux ceux qui lui conviennent le mieux. De toute façon, les cantons n’ont pas intérêt à faire de l’obstruction parce qu’ils ne pourront pas créer de nouvelles zones à bâtir avant que ces directives n’aient été adoptées…

La révision soumise en votation populaire est également pernicieuse. Le citoyen vaudois est rassuré par des partisans affirmant que notre Canton a déjà une réglementation conforme à cette loi. Le diable se cache une fois encore dans les détails.

Avant que le Conseil fédéral n’ait approuvé le plan directeur cantonal adapté, la surface des zones à bâtir ne peut augmenter dans le Canton (après cinq ans, aucune nouvelle zone ne peut être créée, même en remplacement d’un dézonage). Cela veut dire qu’avant que les nouvelles «directives techniques» ne soient adoptées, puis que le Conseil fédéral n’ait jugé le plan vaudois acceptable, il n’y aura pas de nouvelle zone sans compensation.

Comme on imagine mal une commune renoncer (si ce n’est marginalement) à des zones à bâtir en faveur d’une autre dans l’état actuel de pénurie de logement, cela signifie que le Conseil d’Etat ne pourra approuver aucun plan d’affectation ou plan de quartier qui prévoirait une augmentation des zones à bâtir avant la décision fédérale. L’exécutif cantonal ne peut pas même envisager de passer outre, puisque les tribunaux ne pourront alors qu’invalider lesdits plans du fait de la force dérogatoire du droit fédéral.

Alors que le Canton de Vaud a actuellement un besoin important de nouvelles habitations, on va vers une paralysie pendant trois à cinq ans au moins! Notons en passant que la création de logements fait justement partie des promesses électorales du nouveau gouvernement de centre gauche favorable à la révision…

La nouvelle LAT est une loi qui ôte non seulement aux cantons, mais aussi aux organes politiques, la maîtrise de l’aménagement du territoire qui est l’un des paramètres fondamentaux du bien commun. Cette révision, par ses contradictions et ses mécanismes alambiqués, porte en germe une paralysie du développement de l’habitat et des activités économiques.

Le citoyen vaudois ne doit pas s’y tromper et voter NON le 3 mars prochain.

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