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Catharsis

Daniel Laufer
La Nation n° 2033 11 décembre 2015

La compagnie de fusiliers s’apprête à s’endormir, sur le coup de 22:00, dans l’agréable baraque réquisitionnée pour le cours de répétition, quelque part sur les contreforts du pied du Jura. Soudain s’élève la voix du fusilier Furel:

Ce toit tranquille, où marchent les colombes

Entre les pins palpite, entre les tombes…

D’une voix claire et lente, il poursuit la lecture du Cimetière marin

Ô récompense après une pensée Qu’un long regard sur le calme des dieux!

Avant même le début du cinquième sizain

Comme le fruit se fond en jouissance Comme en délice il change son absence…

il perçoit dans l’attention captivée de la chambrée la victoire de Valéry, et il continue sa lecture dans l’envoûtement cathartique de la musique et le rythme simple des décasyllabes. Mais arrivé au septième sizain, le fusilier Furel retient son souffle, enivré, ému lui-même de sa propre audace. Non, ce n’est pas possible, se dit-il, pourquoi ne m’interrompent-ils pas? Après quelques secondes de silence, la réponse vient du fond de la chambrée:

– Continue, Furel.

Et il continue, il achève le Cimetière, jusqu’aux derniers vers, jusqu’au cent quarante-quatrième vers:

 Rompez, vagues! Rompez d’eaux réjouies

Ce toit tranquille où picoraient les focs!

Cette anecdote, aussi extraordinaire que véridique, nous est revenue en mémoire alors que la Fondation Marcel Regamey venait de lancer le Concours de poésie française, sous le titre LA FEUILLE DE CHÊNE. Cette initiative, un peu insolite, marque un tournant dans les habitudes de la Fondation: au lieu de se limiter (si l’on ose dire) à répondre à des demandes innombrables de soutien financier pour des concerts, la création d’œuvres musicales, l’édition de livres propres à illustrer le bien commun vaudois, telle initiative théâtrale, voire même tel spectacle de danse, elle s’est avisée qu’il serait souhaitable de susciter la création d’œuvres nouvelles, par exemple dans les domaines de la recherche historique, et – pourquoi pas? – de la poésie.

C’est très important, la poésie. Le terme même prête à sourire parce qu’on oublie que les grands chefs-d'œuvre, d’Homère à Dante, de François Villon à Paul Valéry, sont d’abord des œuvres poétiques. Elles exercent sur notre esprit, par la combinaison du rythme et de la rime, une influence souvent mystérieuse, une sorte de purification, une catharsis. Elles forment ainsi l’une des charpentes invisibles de notre civilisation. Encore faut-il qu’on puisse les réciter, les faire entendre, et donc, mais oui, les apprendre «par cœur» (l'expression est révélatrice!).

Nous maintenons que les trésors de la poésie peuvent être renouvelés, que des œuvres nouvelles doivent pouvoir enrichir le patrimoine littéraire de nos écoles. C’est bien là le but du Concours.

Et si l’accent est mis – comme on peut le voir dans le règlement encadré – sur la versification classique, on n’écarte ni le vers libre, ni le poème dit «en prose». Ainsi le poète, encore inconnu, pourra-t-il faire sienne ou rejeter l’apostrophe de Victor Hugo:

J’ai jeté le vers noble aux chiens noirs de la prose.

Concours de poésie française - Règlement

1.         Il est institué sous le titre LA FEUILLE DE CHÊNE et sous les auspices de la Fondation Marcel Regamey (ci-après: la Fondation) un concours de poésie française; il a lieu tous les deux ans.

   Ce concours est ouvert à toute personne domiciliée en Suisse, âgée de quinze ans révolus dans l’année du concours.

2.         Le concours comporte un ensemble de textes constitué par:

   • cinq sonnets en vers réguliers;

   • un poème ou une suite de poèmes en vers réguliers de 3000 signes au maximum;

   • un poème ou une suite de poèmes en vers réguliers ou libres, ou un poème ou une suite de poèmes en prose, de 5000 signes au maximum.

3.         Le choix des thèmes est laissé à la libre appréciation des concurrents.

4.         La Feuille de chêne sera attribuée au concurrent qui aura présenté le meilleur ensemble de textes. Il recevra en outre un prix de dix mille francs.

   Le Comité de lecture se réserve la faculté d’attribuer d’autres prix.

5.         La Fondation publiera les œuvres primées ainsi que d’autres œuvres présentées au concours sur proposition du Comité de lecture, en principe aux Cahiers de la Renaissance Vaudoise.

6.         Chacune des œuvres, inédite, sera présentée en deux exemplaires, sur des feuilles A4. Elle portera un titre ainsi que le pseudonyme choisi par le concurrent à l’exclusion de toute autre mention.

7.         Les dossiers de candidature doivent être remis au Secrétariat du concours, sous pli fermé, sans mention de l’expéditeur, au plus tard le 30 mars de l’année du concours. La lettre d’accompagnement comprendra le nom du concurrent et le pseudonyme qu’il a choisi.

   La correspondance entre noms et pseudonymes ne sera connue que du seul secrétaire du concours.

8.         Toutes les œuvres présentées sont soumises à un Comité de lecture dont les membres sont désignés par la Fondation. Le Comité délibère secrètement. Il peut renoncer, le cas échéant, à attribuer l’un ou l’autre prix. Ses décisions sont sans appel.

9.         Les résultats des délibérations du Comité de lecture ainsi que l’attribution des prix ont lieu en séance publique, dans l’année du concours.

CMS/DL 

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