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Le vent a tourné

Jacques Perrin
La Nation n° 2033 11 décembre 2015

Le climat intellectuel a-t-il changé en France? L’équilibre des forces se modifie-t-il?

Traçons les limites de ce que nous sommes en mesure de connaître. L’essence de la vie intellectuelle réside dans le débat d’idées. Celui-ci s’effectue à plusieurs niveaux. Dans la couche la plus profonde a lieu la discussion théologique qui porte sur Dieu, la foi, les fins dernières. Ses progrès ne se révèlent qu’à des yeux exercés, son impact est difficilement sensible aux profanes; pendant des siècles, rien ne se passe et soudain tout bascule. Nous rencontrons ensuite le débat scientifique, celui de la recherche fondamentale dans les sciences exactes, peu accessible, quasi ésotérique, mais dont la puissance se fait tout à coup sentir grâce à d’impressionnantes innovations techniques. Puis nous tombons sur celui des sciences humaines, l’histoire, la sociologie et la psychologie, avec sa traduction polémique dans les revues, les journaux ou les blogs. A la superficie se déroulent les discussions quotidiennes entre personnes plus ou moins cultivées, alimentées par des productions culturelles de toute nature, de la plus vulgaire à celle qu’on prétend «élitaire».

Dans cet article, nous nous limiterons aux essais en sciences humaines disponibles sur le marché et à la littérature, ignorant bien malgré nous ce qui se trame dans les sciences exactes et la théologie et, plus généralement, dans les cercles académiques spécialisés à l’extrême.

Remontons à Mai 68. Ce ne fut pas le point de départ, mais l’aboutissement d’aspirations à la tranquillité, à la liberté et à la prospérité, nées après la période cauchemardesque (1914- 1945) qui vit la chute des empires et des monarchies, puis l’effondrement des régimes nazi et fasciste.

Se conformant au modèle américain qui l’avait emporté, on ne voulait plus de guerres sur le sol européen, mais le bonheur et la multiplication des droits individuels. Le mouvement philosophique de la «déconstruction» (Derrida, Deleuze, Foucault), apparut en France et exporté aux Etats-Unis, devenu idéologie officielle, fit connaître ses récriminations. Aux réquisits du libéralisme économique s’agrégeaient les exigences égalitaires des minorités: Noirs américains, peuples colonisés, femmes, homosexuels, enfants opprimés par la famille et l’école, divorcés, athées, artistes «rebelles», fous, toxicomanes, prisonniers, objecteurs de conscience, etc. Tous les groupes et les individus devaient jouir «enfin» de la démocratie et des droits de l’homme… Il est à noter que les «envies» libertaires balayèrent aussi, en 1989, la doctrine marxiste et sa réalisation soviétique. Le communisme se maria, en Chine, avec le capitalisme. Le résultat de cette évolution est connu: mondialisation, abondance, progrès techniques, mobilité, tourisme, démocratisation et distribution de droits, mais aussi dénatalité en Occident, pollution, guerre économique accrue en tous domaines, marchandisation de la vie, durcissement des conditions de travail des cols blancs, affaiblissement de la «classe ouvrière» et quasi-disparition des paysans dans les pays «développés».

Durant la «fête» libérale-libertaire qui commença en 1968 et se joue toujours sous nos yeux («la vie continue» comme ils disent, «même pas peur»), les voies dissidentes furent pour ainsi dire inaudibles. La pensée dominante confina dans les marges les nostalgiques de l’Empire français ou de la monarchie, les chrétiens fidèles à la tradition, les groupuscules fascistes, les antidémocrates ou les critiques conservateurs de la Révolution française.

Maintenant la situation est autre. Les clivages se sont modifiés, des idées différentes font leur chemin, des penseurs nouveaux apparaissent.

Nous distinguons six courants: un courant littéraire né avec Philippe Muray et représenté assez bien par Michel Houellebecq; un groupe identitaire et différentialiste réuni autour de la revue Eléments d’Alain de Benoist; les réactionnaires israélites et sionistes de la revue Causeur dirigée par la journaliste Elisabeth Lévy; les penseurs opposés au libéralisme, liés au MAUSS (mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales), issus de la gauche mais très critiques à son égard; les catholiques de la Manif pour tous; une communauté proprement politique, l’Action française rajeunie, mais fidèle à Maurras et à Bainville. A ces six courants s’ajoutent quelques francs-tireurs comme l’omniprésent Eric Zemmour.

Nous apporterons bientôt des précisions.

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