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Quelles sont les prétentions du nouveau théâtre?

Daniel Laufer
La Nation n° 2039 4 mars 2016

Une plasticienne qui peint le vaste mur du fond de la salle Apothéloz à Vidy, avec un pinceau éclabousse les acteurs d’un sang volumineux, le tout accompagné d’un effroyable tintamarre qui fait trembler vos sièges et vos nerfs, un vague duo, une voix et une guitare, qui introduit ou accompagne les acteurs, Houellebecq ou Benoîte Groult lus en réponse à leurs propres rôles par les acteurs eux-mêmes, et bien entendu l’incontournable référence à Daech (exactement comme dans la mise en scène de l’Enlèvement au sérail au dernier festival d’Aix-en-Provence, et vraisemblablement au nom du même «réalisme»)… Vous voyez de quoi je parle? Non? Je vais vous le dire: c’est La Mouette, c’est le chef-d'œuvre de Tchékhov, mis en scène, si l’on ose dire, par Tomas Ostermeier, coqueluche berlinoise du théâtre de notre temps.

Le succès de cette interprétation – mais en est-ce une? – ne va pas sans poser quelques questions.

Liszt a commis des variations sur des thèmes connus de compositeurs célèbres qui sont du plus pur Liszt dès la troisième mesure, et personne ne songe à lui reprocher cet emprunt. Est-ce qu’Ostermeier serait le Liszt de notre théâtre? Il s’en faut de beaucoup! S’il «engage un dialogue avec Tchékhov par-delà le XXe siècle sur l’amour et le théâtre», comme nous l’annonce le fascicule du Théâtre de Vidy, il n’en reste pas moins qu’on suit, disons: qu’on essaie de suivre, le texte de la Mouette durant les quatre actes de cette comédie. Il nous semble que le metteur en scène part de l’idée que tous les spectateurs connaissent ce texte, qu’ils savent donc que la principale actrice est Mme Irina Nicolaevna Arkadina, Mme Tréplevna par son mariage, qu’elle est la mère du malheureux Constantin Gavrilovitch Tréplev, et qu’elle a un frère, Piotr Nicolaévitch Sorine…

Mais à supposer qu’un spectateur vraiment très cultivé se souvienne de ces détails, il aura beaucoup de peine à s’y retrouver à Vidy, car, comme c’est la mode aujourd’hui, on ne vous livre aucune distribution, aucune liste des personnages. On ne sait pas, par exemple, quel rôle jouera M. Sébastien Pouredoux, de la Comédie-Française, et l’on se fie au génie de la mise en scène pour que vous compreniez qui joue quel rôle.

Ça n’a probablement pas beaucoup d’importance pour Ostermeier, c’est tant mieux peut-être; on ne va pas fatiguer la salle avec un vieux texte, l’essentiel, c’est la mise en scène.

D’accord, c’est une façon de voir. Le texte, c’est ringard. Mais alors pourquoi choisir Tchékhov?

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