Le secret de la flagorne

Dans notre édition du 5 février, nous avons commenté avec une légère dose d’ironie la (pseudo-)mésaventure d’un jeune Lausannois qui avait vu son compte Facebook suspendu pendant quelques heures «après la publication d’une vidéo qui égratignait l’UDC». La presse avait donné un large écho à «l’affaire», mais de mauvaises langues laissaient entendre que l’individu avait peut-être «monté l’affaire en épingle pour faire le buzz».

Nous avons aujourd’hui la réponse. M. Wiesel (Thomas), en assurant ainsi la promotion de sa vidéo, a presque instantanément passé du statut de total inconnu à celui de super-vedette chouchou de l’intelligentsia journalistique romande. «Les radios romandes s’arrachent ses chroniques, on le retrouve sur One Fm chez les Beaux parleurs de Michel Zendali sur la Première et bientôt dans la Grand Messe de Fathi Derder sur LFM.» Le journal Le Temps le qualifie de «relève de l’humour romand» et en dresse un portrait tout imprégné du légendaire esprit critique qui caractérise le travail journalistique: «Il y a deux raisons pour lesquelles on rit aux blagues de ce jeune humoriste, dont le nom commence à dépasser nos frontières: il comprend le monde qui l’entoure et c’est un brillant auteur. […] Derrière son petit air arrogant de premier de classe, le garçon est sensible. […] Il fait le dur, Thomas Wiesel, mais c’est un doux. […] Impertinent, toujours, et avec sa gueule d’ange, on en redemande.» Vous reprendrez bien encore un peu de cirage?

Lorsqu’on lui tend le micro, le jeune prodige a la délicatesse de baver un peu sur ses confrères: «Finalement, très peu d’humoristes se positionnent politiquement. Yann Lambiel ou 26 minutes font de l’imitation mais on ne connaît pas leurs opinions politiques.» C’est vrai: comment peut-on faire rire si l’on ne milite pas à gauche? Car le secret de M. Wiesel, c’est d’être anti-UDC, anti-Blocher, anti-Suisses-allemands, anti-UDC, anti-vieux, anti-UDC, anti-catho, anti- UDC, plutôt vulgaire, et anti-UDC. Le truc de ouf, quoi, qui révolutionne l’humour tellement personne n’y avait pensé jusqu’ici. D’ailleurs, pendant les chroniques radiodiffusées de leur nouvel ami, les journalistes qui l’entourent s’empressent d’émettre plein de gloussements sonores dans leurs micros, pour donner à l’auditeur l’impression qu’il y a des gens qui trouvent ça drôle. C’est touchant.

Ce qui est injuste, c’est que La Nation elle aussi critique parfois l’UDC, en prenant probablement davantage de risques que M. Wiesel, mais sans jamais réussir à intéresser le petit monde de la presse romande. Est-ce uniquement parce que notre page Facebook n’a jamais été bloquée?