François Hollande, un vrai président de gauche

Dans son ensemble, la gauche française ne semble pas désirer que M. François Hollande se représente aux prochaines élections présidentielles. Serait-ce qu'il a trahi les idéaux socialistes?

Prenons le cas de l'école. Aux yeux de la gauche, en France comme ici, tout enfant peut et doit réussir scolairement. Evitons donc que des exigences scolaires trop précocement pointues ne fassent échouer un élève défavorisé par sa provenance sociale ou familiale, par sa santé physique ou psychologique. Il vaut mieux, dans un premier temps, abaisser les exigences scolaires et favoriser une intégration sociale égalitaire plutôt que d'imposer une accumulation de savoir fatalement discriminante! Les trois ministres que M. Hollande a successivement mis à la tête de l'Eduction nationale ont vigoureusement travaillé dans ce sens. La gauche leur doit, lui doit une grande reconnaissance.

Sur le plan «sociétal», comme on dit, le président Hollande, sourd aux pressions publiques, a fait triompher le «mariage pour tous». Dans le même mouvement, il a préparé la route à la procréation médicalement assistée et aux mères porteuses. Là aussi, il a satisfait des revendications constantes de la gauche. Et il l'a fait d'une façon particulièrement rusée, efficace et rapide.

Il en est allé de même dans le domaine militaire. Pour la gauche, la seule existence de l'armée est un pousse-au-crime: dans cette optique, en réduisant les effectifs, la durée du service et la dotation en matériel, on réduit automatiquement les risques de conflit. Le président Hollande s'y est employé au point que l'armée française n'est plus aujourd'hui qu'une force d'intervention ponctuelle au service de sa politique extérieure. Là encore, la gauche a fait un grand bond en avant.

Il est juste de préciser que les présidents «de droite» avaient déjà plus qu'amorcé ces réformes scolaire, militaire et familiale. Mais contrairement à la droite, qui réforme toujours à reculons et sous des prétextes pécuniaires, le président Hollande l'a fait à la hussarde et pour des motifs ouvertement idéologiques.

Sur le plan personnel, enfin, le président Hollande s'est efforcé avec succès de normaliser le statut présidentiel. Il y a quelques jours encore, on le voyait à la télévision avec des gens du peuple, discutant en toute égalité, se laissant interrompre par eux et leur répondant, certes n'importe quoi, mais avec application et sérénité.

Curieusement, beaucoup continuent de voir en François Mitterand la personnification du socialisme. Et pourtant, le président Hollande, avec sa platitude bonasse, n'incarne-t-il pas mieux la gauche égalitaire que ce manipulateur cultivé et cynique qui, durant quatorze ans, fit avaler à son parti une dérive monarchisante du régime?

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 19 avril 2016)