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Actualités  |  Mardi 6 mars 2018

La naturalisation est une décision politique

Aux yeux de la conseillère nationale Ada Marra, le processus de naturalisation est trop «politisé» en Suisse. En particulier, dit-elle, la commune, première étape du processus, décide souvent d'une façon «arbitraire». Les cantons doivent lui retirer cette compétence et la confier à leur administration.

Pour des motifs principalement historiques, le statut de la commune diffère considérablement d'un canton à l'autre. Les communes sont presque souveraines dans le canton des Grisons, leur marge de manœuvre est réduite dans le canton de Vaud. Genève a cantonalisé la question de la naturalisation, d'autres cantons laissent une grande latitude à leurs communes dans ce domaine. Pourquoi vouloir aligner tout le monde?  Il n'appartient pas à la Confédération de décréter quel rôle jouent les communes dans l'organisation cantonale.

Les décisions manifestement abusives sont rares. Vaut-il la peine, juste pour éviter quelques ratages, de priver les communes d'une compétence qu'elles exercent en général avec bon sens et dans un esprit d'équité? D'ailleurs, ne connaît-on aucun cas d'abus administratif? Car tout règlement, si détaillé soit-il, nécessite un fonctionnaire chargé de l'interpréter en fonction du cas particulier. Son appartenance à l'administration cantonale ne le rend pas forcément plus avisé et impartial que des autorités communales.

«Arbitraires», les décisions communales en matière de naturalisation? C'est vite dit. Le jugement sur une question aussi complexe que la qualité d'intégration d'un étranger à la communauté locale n'est jamais d'une précision mathématique. De plus, l'intégration ne dépend pas seulement du demandeur, mais aussi de la population à laquelle il doit s'intégrer. Selon qu'une commune est stable et jouit d'une forte cohésion, ou au contraire qu'elle est une commune-dortoir que l'on habite le temps de déménager ailleurs, les critères d'intégration sont plus ou moins exigeants. La plus ou moins grande rigueur des autorités dépend encore du nombre de personnes déjà naturalisées, des expériences locales heureuses ou malheureuses. Et il se peut aussi que le demandeur soit un faiseur d'embrouilles notoire. Pour tous ces motifs, la commune doit pouvoir juger avec une grande liberté.

En supprimant l'échelon communal, on supprimerait du même coup le seul niveau politique où le jugement d'intégration repose sur des relations directes, concrètes et durables avec le demandeur. Mais c'est précisément ce que ne veut pas Mme Marra, qui pense que la rationalité aveugle du règlement assure la justice mieux que le jugement libre de l'être humain. Pour elle, le mal dans le monde n'est qu'une faille de l'organisation sociale: rien qu'une loi précise, des règlements minutieux et une administration sans états d'âme ne puissent corriger.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 6 mars 2018)