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Avenches et ses bourgeois

Ernest Jomini
La Nation n° 1915 20 mai 2011
Au cours de son Abbaye les 3, 4 et 5 juin prochains, la «Société de tir des Bourgeois d’Avenches» célébrera son quatrième centenaire. A cette occasion, elle a fait paraître un magnifique ouvrage rédigé par l’historien Gilbert Marion.

Dès 1611 est attestée l’existence d’une «Compagnie des mousquetaires d’Avenches», encouragée par LL.EE. de Berne désireuses d’inciter les membres des milices à se perfectionner en pratiquant les tirs volontaires. Au XIXe siècle, la société prendra le titre qu’elle porte encore aujourd’hui. L’historien nous décrit l’organisation de la Société, les tirs et les prix distribués. Un chapitre est consacré aux terres qui sont propriétés des Bourgeois. On entre ainsi dans la petite histoire de la ville au cours des siècles. Les tirs, et la fête qui les accompagne, ont lieu à l’Ascension. Mais pendant longtemps et jusqu’en plein XIXe siècle, l’Assemblée générale de la Société avait lieu le 25 mars, à l’Annonciation, «fête catholique qui survit le plus longtemps dans les moeurs vaudoises au XVIIe siècle, laissant une trace jusqu’au XVIIIe siècle» (p.54), s’étonne l’auteur.

Nous nous permettons d’apporter ici un complément d’information. Nous avons sous les yeux la Liturgie officielle vaudoise de 1807 et la prière qui devait être prononcée dans les églises le jour de l’Annonciation: […] célébrant la mémoire de l’incarnation de Jésus- Christ, notre divin Rédempteur, dans le sein de la bienheureuse Vierge Marie […]. Jusqu’en 1863, les Vaudois ont fêté l’Annonciation, jour férié dans tout le Canton. Mais cette année-là marque un important changement. Une nouvelle loi ecclésiastique met fin au régime des Classes instituées par Berne au XVIe siècle. On crée le Synode, les Conseils d’Arrondissement, les conseils de paroisse. Par la même occasion on remplace l’Annonciation par la célébration du Vendredi Saint, changement correspondant aux vues théologiques de l’époque qui mettait l’accent sur la Croix plus que sur l’Incarnation. Par une coïncidence du calendrier, il se trouva que le 25 mars 1864 fut le jour de Vendredi- Saint, ce qui facilita le changement. On comprend donc que les tireurs d’Avenches aient dès lors abandonné la date de leur réunion traditionnelle du 25 mars qui cessait d’être jour férié.

Mais revenons aux Bourgeois d’Avenches. Un chapitre important du volume est consacré à ces familles dont certaines, encore existantes comme les Bosset ou les Fornerod, sont présentes déjà aux XIVe et XVe siècles. Gilbert Marion mentionne en détail les membres de ces familles, la profession qu’ils ont exercée, leur rôle joué dans la cité et dans notre Pays de Vaud du XVIIe au XXe siècle. Un authentique Moudonois de nos amis nous racontait un jour que, dans sa ville, on désignait ainsi les concitoyens broyards: les habitants de Lucens, les gens de Payerne, ceux d’Avenches. Admirez le decrescendo! Or, ces Moudonois avaient tort. A la lecture de l’ouvrage, on est au contraire impressionné de découvrir le nombre d’Avenchois qui au cours des siècles ont joué un rôle éminent: dans la carrière militaire, au service mercenaire, ensuite dans l’armée cantonale, puis fédérale; étudiants à l’Académie, puis à l’Université: pasteurs, médecins, avocats, notaires, scientifiques; hommes politiques: on se souvient encore de Norbert Bosset, conseiller d’Etat et conseiller aux Etats, qui régna sur le Château avant et pendant la dernière guerre. Sans compter tous les Avenchois qui se sont créé une réputation dans le commerce international, en particulier dans les ports français. On est impressionné de voir une des plus petites villes vaudoises par sa population fournir au pays un si grand nombre de personnalités.

Pour couronner le tout, il faut mentionner les deux bourgeois d’Avenches qui se sont distingués sur le plan fédéral. Le premier est Constant Fornerod (1819-1899), successeur de Druey au Conseil fédéral, président de la Confédération en 1857, 1863 et 1867. Il quitta ensuite le Conseil fédéral pour se lancer dans une activité bancaire, à Genève, puis à Paris. Hélas! un krach retentissant entraîne Fornerod dans la débâcle. Emprisonné, puis ruiné, il devra se contenter pour vivre d’un modeste emploi dans un bureau de la compagnie ferroviaire du Jura-Simplon. Les pensions de retraite des anciens conseillers fédéraux n’étaient pas celles d’aujourd’hui. On imagine difficilement la présidente Calmy-Rey terminant sa carrière comme caissière de supermarché.

L’autre bourgeois d’Avenches ayant accédé à la célébrité, c’est bien sûr le Général Guisan. Les lecteurs du volume auront le plaisir de découvrir plusieurs photos du Général, la plupart prises lors de la somptueuse réception officielle qu’organisa pour lui la Commune d’Avenches le 24 août 1940. C’est l’occasion de souligner le fait qu’un des attraits de ce livre est la richesse des nombreuses illustrations, souvent en couleurs: photos, armoiries et autres documents; sans oublier l’élégante couverture dessinée par Grégoire Bosset.

Enfin, l’histoire moderne de la Société nous amène à l’importante décision de 1983: l’ouverture de la vénérable société aux dames ainsi qu’à tous les bourgeois d’Avenches, même ceux qui ont bénéficié des naturalisations facilitées introduites ces dernières années. C’est ainsi que dans la liste des membres apparaissent à côté de Chuard, Doleyres ou Dessonnaz les Fieramosca, Firinu et Sarcina attirés dans la société par la passion du tir.

Nous avons eu beaucoup de plaisir à nous plonger grâce à M. Marion dans la vie avenchoise et nous sommes heureux que la «Fondation Marcel Regamey» ait contribué pour une part à la parution de ce bel ouvrage.



Avenches: Sociétés et familles bourgeoises dès 1611. En vente au prix de 60 francs chez Payot ou dans les librairies de Payerne ou d’Estavayer-le-Lac. Commandes par internet: www.bourgeoisavenches.ch
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