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A quelques braves

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1923 9 septembre 2011
Chers amis,

Sans vous être jamais occupés de politique, vous avez conçu, lancé et fait aboutir une initiative complexe. La conception et la rédaction furent délicates et longues, entrecoupées de consultations souvent décevantes. La récolte de signatures imposa un lourd engagement de plusieurs mois à chacun d’entre vous. Ce devait pourtant être la partie la plus claire et paisible de l’aventure.

L’initiative déposée, les premières difficultés sont apparues. L’administration a monté en épingle les incompatibilités de votre texte avec Harmos. Mais vous vous êtes montrés assez incisifs pour qu’elle recule et tombe d’accord avec vous sur les quelques détails à modifier. Puis le Département a fait traîner les choses en longueur, ajoutant une année au délai de vote pour fabriquer un contre-projet, prenant même six mois de plus que ne l’autorise la Constitution. Puis il a accéléré les choses de façon à réduire le temps de la campagne. Vous n’avez pas baissé les bras, vous vous êtes adaptés à des circonstances contraires et vous avez travaillé comme des forcenés durant tout cet été: plus de cent cinquante mille prospectus distribués manuellement, des stands hebdomadaires tenus dans le plupart des villes, des rencontres, des exposés.

Douloureuse initiation à la politique! La campagne fut d’une brutalité exceptionnelle. Vous avez subi des attaques d’une rare bassesse, des imputations gratuites, des contre-vérités frontales. Vous vous êtes heurtés à un refus total du dialogue et des échanges raisonnés d’arguments. Vous avez vu des conseillers d’Etat déchoir au point de se pavaner en t-shirts boudinants, tachés de rose et de noir, pour distribuer une propagande insane. Vous les avez vus se payer des annonces prétendument rectificatives avec l’argent des contribuables. Vous avez pu examiner le fonctionnement navrant des grands partis, leurs positions ambiguës, leurs alliances contre nature, leur soutien à la retirette. Vous avez surtout ressenti, sur la fin, le poids énorme, accablant de la grosse machine de l’establishment qui, toutes idéologies confondues et perdant complètement le sens de la mesure, a mobilisé l’entier de la puissance de feu étatique contre les francs-tireurs. Car en fin de compte, avant d’être de gauche ou de droite ou du centre, vous étiez d’abord des intrus qui avaient la prétention insensée de pénétrer dans le sérail politique.

La grande presse fut relativement équitable à votre égard. Relativement: on peut regretter qu’elle n’ait pas donné l’importance qu’il méritait au scandale des épreuves cantonales de référence. Elle le connaissait pourtant. Elle aurait aussi dû dénoncer elle-même certains mensonges incontestables de vos adversaires. Mais la grande presse fait plus ou moins partie de la grosse machine et tient à préserver un consensus minimum avec l’officialité.

Vous avez tenu le cap. Vous avez répété, commenté et argumenté vos propositions. Vous avez supporté, selon le mot de Kipling, «d’entendre vos paroles travesties par des gueux pour exciter des sots, et d’entendre mentir sur vous leurs bouches folles sans mentir vous-mêmes d’un mot». Vous n’avez pas répondu à l’invective par l’invective.

Ces derniers jours encore, M. Huguelet, qui fut l’incarnation d’«Ecole 2010» du début à la fin, appelait encore au calme sur le réseau Facebook: «Nous avons perdu et, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, il n’y a point d’honneur dans la défaite, si ce n’est de l’accepter avec humilité. C’est pourquoi j’invite tous les enseignants et parents à ne pas céder à la tentation de la polémique. Il faut laisser ce terrain- là à ceux qui l’aiment et en maîtrisent le mieux le langage: les politiciens, les médias.» Et encore cette adresse finale qui rappelle l’essentiel: «Je vous invite, vous tous, parents et enseignants, à prendre soin de vos enfants et de vos élèves, vous parents par l’éducation, vous enseignants par l’instruction. C’est par la rigueur, l’intégrité, l’exigence et l’amour que nous pourrons préserver nos enfants, nos élèves de l’attrait du moindre effort et les encourager à désirer le surpassement et résister à la facilité. C’est au sein de la famille et de la classe d’école que se fait le travail, un postulat qui a conduit les pas des initiants, du début jusqu’à la fin.» Le Canton a manqué une grande occasion.

Cette dignité vous honore, mais elle ne vous empêche pas, aujourd’hui, de ressentir une immense amertume. Comment pourrait-il en aller autrement?

Rappelez-vous toutefois que le combat commun et les mauvais coups supportés ensemble, l’effort constant de chacun pour en rester à l’essentiel, parfois contre son tempérament, ont créé entre vous des liens solides de respect et d’amitié. Et ces liens se sont étendus aux nombreuses personnes qui vous accompagnaient dimanche soir et à beaucoup d’autres encore qui ont soutenu votre combat. Si la finalité de la politique est l’amitié entre les hommes de la Cité dans le cadre du bien commun, vous en avez assurément fait votre part, plus que vos adversaires n’en feront jamais.

Quant au bloc hétéroclite de ces derniers, il est d’ores et déjà dissous. Ils ont rejoint leur parti ou leur faction et se chamaillent dans la perspective des prochaines élections. Les directeurs d’école se grattent frénétiquement l’occiput, un grand point d’interrogation au-dessus de la tête. Ils se demandent comment ils vont bien pouvoir appliquer le projet «bout-de-bois» primé par un électeur vaudois déboussolé. Pourrez-vous vous empêcher de suivre ce dossier, d’écrire vos commentaires, de proposer des solutions?

Ce fut un privilège de travailler avec vous.

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